Devalier avait un bureau au Ministère. Bah oui, quand on est Chef, on a un bureau, ça va de soit. On est pas confiné à un petit cubicule ridicule où on place deux trois photos de nos mouflets pour faire genre "Je les aime". On a plus de classe, plus de prestance, plus d'importance ! Situé au 4e niveau, sur l'étage de régulation des créatures magiques, là où il y a le plus d'agitation, le bureau de Devalier se situe au fond du couloir. Une large fenêtre donnant sur... Sur rien finalement, une sorte de grande fenêtre prenant tout un pan de mur derrière le large bureau de chêne massif de Théodore, un soleil artificiel pointant à l'intérieur de jour, une lune la nuit, lui rappelant quand quitter le bureau en cas de surcharge de boulot... Ce qui arrive plutôt fréquemment quand on est Chef de l'escouade la plus occupée du Ministère... De grands murs de pierre apparente, ornés de douteux tableaux tous plus grands que nature, représentant diverses créatures. Des Dragons, des Sombrals, un lac immense d'où sortait un Kelpie...

Théodore avait les pieds sur son bureau, lisant le dernier message qu'on lui avait envoyé, un document concernant une créature dont il ne savait strictement rien... Mis à part qu'elle terrifiait les gens. Quoi de neuf, on s'le demande ?... Et en plus, on lui refilait un transfert international pour l'aider dans la tâche... C'que c'était chiant. Qu'est-ce qu'il allait en faire de l'autre là ? Ils auraient pas pu le jumeler avec ses collègues habituels ? Et pis il était Chef ou pas ? Qu'est-ce qu'il allait se faire chier à entraîner un nouveau ?

...Théodore n'était pas asocial, bien sûr, mais il restait quelqu'un qui avait du mal à se aimer... Quoi que bon, qu'est-ce qu'il en avait à foutre en fait ? Elle finirait bien par arriver éventuellement... S'occupant de quelques rapports à remplir concernant des Sirènes qui avaient été jetées dans un lac artificiel en Écosse, il avala quelques gorgées de thé... Vivement qu'cet agent arrive qu'il en soit plus vite débarrassé... Se levant, il alla s'installer sur un vieux sofa orangé qui trônait en coin au fond de la pièce... Il s'y étendit et continua de remplir son rapport avec une vieille plume d'oie usée...

Perdu dans ses pensées alors qu'il faisait une sorte de bilan des évènements, écrivant un paragraphe concernant le transfert des Sirènes vers un lac naturel, tentant de se remémorer péniblement les détails humides et glacés de cette aventure, il ne remarqua pas la silhouette qui s'était profilée à l'entrée de son bureau. Deux portes pour y entrer, l'une d'entre elles constamment ouverte lorsqu'il s'y trouvait, elle n'avait pas vraiment eu à frapper. Toujours paresseusement étendu sur le vieux meuble élimé, dont le vieux velours taché semblait sur le point de laisser sortir quelques ressorts, Théodore mettait un point final à sa phrase lorsqu'une voix vint le déranger...

- C'est vous Devalier ?

Fit-elle alors que l'interpelé baissa les parchemins de devant ses yeux pour une évaluation en règles... Qu'est-c'que c'était que ça...? Une ado'...?

- ...Ouais...?

Demanda t-il en haussant un sourcil. Qui c'était celle-là ? Et plus important, qu'est-c'qu'elle foutait là ? Se redressant sur son siège, il l'observa un moment, une jambe par terre, l'autre étendue sur le canapé, tenant sa plume d'une main, avec les parchemins, l'autre appuyée sur le siège, il la regarda s'avancer en effleurant du bout des doigts le mur de pierre.

- Quelques unes de vos victimes ?

Victimes ? Elle le prenait pour quoi ? Un exterminateur ?

- Qui t'es toi ?

Demanda t-il en se levant, bombant le torse, posant la pile de parchemins sur son bureau, il durcit la mâchoire et s'avança vers elle... Réalisant la taille de cette fille du même coup... C'est lui qui était minuscule ou...? Puis il percuta... Évidemment, il aurait du s'en douter... Ça lui était déjà sorti de l'esprit cette histoire...

- Aah mais c'est toi l'importée.

Fit-il avec aucun mais alors absolument aucun effort de prononciation d'anglais. Des r durs, des rebondissements sur certaines syllabes typiquement français et une maladroite utilisation des lettres anglaises... Comme s'il ne parlait pas réellement bien la langue du pays de la Reine... Mais malgré l'accent, aucune faute de syntaxe et ses phrases se tenaient bien. Comme si la paresse était plus coupable de son accent que sa connaissance.

- Déjà, j'fais pas d'victimes alors tu t'enlèves ça d'la tête, j'suis pas un exterminateur.

Expliqua t-il sèchement en s'approchant d'elle, reniflant l'air un court instant...Puis profitant d'un instant durant lequel elle ouvrit la bouche pour donner un coup de mâchoire sur le bout de friandise entre ses dents, il glissa un index vivement dans sa bouche, lui arrachant le chewing gum et le jetant dans la corbeille derrière lui.

- Et j'ai pas l'intention d'bosser avec une vache.

Lança t-il en lui tournant le dos pour retourner derrière son bureau.

- L'odeur d'la fraise m'donne des maux d'têtes et à te voir aller la gueule, ça m'étourdit.

Ajouta t-il sans lever les yeux des documents sur son bureau, cherchant celui qui concernait la créature sur laquelle ils allaient travailler ensemble...Annonçant ses couleurs, Théodore daigna finalement lever les yeux vers elle pour lui offrir un semblant de sourire.

- Bienv'nue au Ministère.

Fit-il, presque moqueur.

...Et elle en remettait une couche... Super, une provocatrice. Il sentait qu'il allait bien s'amuser avec celle-là... Sarcastique ? Non. C'était le plus terrible. Il avait bien l'intention de profiter de l'attitude de sa "stagiaire". L'idée qu'elle le mette au défi sur son propre territoire le fit sourire un peu plus largement. Elle ne lui faisait pas peur, ne l'intimidait pas... Et c'était réciproque. Il la sentait tendue, elle s'était assombrie et semblait avoir constaté qu'on ne la lui faisait pas à lui, l'attitude mauvais genre qui intimide les instructeurs... Malgré tout, elle s'approcha avec un nouveau chewing gum, qui très franchement, ne lui donnait aucun mal de tête... C'était que pour le plaisir d'être désagréable, et elle s'installa sur SON sofa... Alors là...

- Alors boucle-d’or, je ne suis ni une importation, ni une enfant…
- Tiens donc... Et ça parle français...

Fit-il avec un sourire en coin, un sourire amusé, moqueur... Elle parlait français alors. Et très bien même... Même si c'était... Comment dire... Spécial comme accent. C'était pas du belge... Du Canadien ? Du Français Canadien ? Eh ben super...

- Je suis Samuelle Daee et je ne suis pas d'une espèce qui soit disposée à te craindre…
- Très bien alors, parc'que moi non plus tu m'fais pas peur. J'sens qu'on va follement s'amuser.

Lui dit-il simplement, dans un français détestablement fendant, retournant simplement les yeux vers les documents, comme si la petite attitude rebelle de la métisse ne lui faisait pas un pli, retrouvant finalement celui qui contenait les informations sur la dite créature qu'ils allaient devoir trouver et mettre hors d'état de nuire, il s'installa sur sa chaise, posant ses pieds bottés sur son bureau, croisant les chevilles.

- Donc... On raconte là-d'dans qu'y a une créature dont on ignore la nature qui court les villages éloignés des grandes villes... Il terrifie les habitants et son arrivée est souvent annoncée par de grands vents plus ou moins violents... Ça t'dis quelque chose ? Parc'que c'est un peu tout c'qu'on a comme info' sur le machin. Ça et les quelques villages qui ont été touchés.

Expliqua t-il en ayant uniquement ouvert un coin du document, un énorme point d'interrogation trônant à l'endroit où devrait figurer une image de la créature... En fait, toute la fiche, mis à part le nom de l'endroit où elle était apparue et les remarques la concernant étaient blancs... vides. Il balança toute la documentation, c'est à dire pas grand chose... À Samuelle puis passa paresseusement les mains derrière sa tête, s'étirant longuement... Il entrait déjà dans le vif du sujet en tout cas...

- En tout cas si t'as été envoyée ici en stage, j'te souhaite bien du courage. L'UCCN, c'est probablement l'escouade du Ministère qui bosse le plus alors j'espère que tu t'imaginais pas des vacances en venant là, parc'que ça risque pas d'arriver.

Fit-il, amusé, la sous-estimant... Manifestement. Enfin, ça... Il n'en savait rien.

- Quel dommage alors que je ne sois pas ici pour travailler, n’est-ce pas ? Je suis là pour m’initier aux pratiques du ministère… Soyez assuré que je vous observerai d’un œil attentif !

Ce sourire... Théodore y répondit avec quelque chose qui ressemblait un peu à un renard... ou un serpent.

- La meilleure façon d'apprendre, c'est de participer.

Fit-il en se redressant pour récupérer le dossier d'un geste sec.

- Tu m'as été assignée pour une raison je suppose... Soit tu en sais plus que les autres sur cette créature et tu veux pas me le dire... Soit mes méthodes d'enseignement sont efficaces.

Dit Devalier en posant le document sur son bureau, se réinstallant paresseusement dans sa chaise.

- Et le fait que tu participes, stagiaire ou pas, ça fait partie de mes méthodes. Si t'es là pour ''t'imprégner'' de l'ambiance, j'te conseille de t'y faire parce que c'est ça, mon ambiance.

Termina t-il, haussant un sourcil, l'air sévère^.

- Comment pourrait-on juger que j'en sais d'avantage que les autres sur votre bestiole si elle n'est pas identifiée ?
- J'en sais rien moi. C'est pas moi qui ait d'mandé d'avoir quelqu'un pour m'assister.

Répondit Théodore en haussant les épaules, las. Elle avait vraiment une attitude de merde cette fille. Si c'était le Département des Mystères qui voulait s'marrer à ses dépends, ils allaient savoir comment il s'appelait... Elle essayait de lui en imposer apparemment... Seulement, lui aussi il était capable de se la jouer mauvaise... Elle allait en rencontrer un qui pourrait lui faire concurrence apparemment... Enfin, ça c'est ce que Théodore songeait... Parce que tout le monde sait que Samuelle est inégallablement perfide...

- Je suis déjà tombée sur Harkaitz Rocstone ce matin... Je suppose qu'on me fait rencontrer les extrêmes...

...Rocstone. Théodore ignorait ce qui faisait qu'il le détestait autant... Une chose était certaine, il le sentait comme une grosse tache dans son champ de vision... Une grosse tache solaire, lumineuse et désagréable qui vous fait plisser les yeux comme une vilaine odeur... Une grimace lui déforma sensiblement les traits et il souffla discrètement entre ses dents... Dévoilant ainsi un certain mépris pour la race richarde et blonde comme les blés qu'était Harkaitz Rocstone.

- Néanmoins... Je suis impatiente de vous voir à l'œuvre...

Relevant les yeux vers elle, il la toisa un moment d'un oeil sombre, noir noir. très noir... Il n'avait visiblement pas très envie de montrer les ficelles à une nouvelle, pas plus qu'il avait envie de bosser avec une importée imposée par un Département qu'on se demandait sérieusement ce qu'ils pouvaient bien avoir a foutre d'une bestiole non identifiée alors qu'il y avait bien plus grave pour eux à s'occuper... Enfin bon...

- Nous verrons bien si vous souhaitez vraiment me voir participer à l'une de vos captures...
- Oh mais j'compte bien t'faire bosser ma belle. Tu vas pas rester là à me regarder.

Répondit-il en glissant le regard sur la page qui nommait les endroits ou on l'avait vue apparaitre... Premièrement, trouver un lien entre ces endroits, une proximité, une ressemblance... Histoire d'avoir un indice sur la nature du machin... Et c'est alors qu'il réalisa cette étrange nervosité qui l'habitait... Elle n'était pas là pour l'aider... Enfin, si, mais non... Elle serait une bâton... Un GROS bâton dans ses roues... Elle allait causer quelque chose. Il ne savait pas quoi... Mais elle était dangereuse. Malgré tout, l'idée qu'elle puisse être une personne dont il valait mieux se méfier le rendait curieux... Il l'observa un moment et eut un petit sourire en coin, amusé...

- En attendant que j'sache vraiment à quoi tu sers, t'iras remplir ma tasse de thé au lieu d'rester là à glander, t'es gentille.

Fit-il, poussant sa tasse sur le coin de son bureau, vers elle, sans lever les yeux... Poussant l'audace à la provoquer au point de la traiter comme on le ferait d'une stagiaire qu'on ne respecte pas encore...

- Du thé? Chez moi, le thé, on appelle ça de l’eau sale…
- Oui ben t'es en Angleterre là. Adapte toi.

Fit Théodore sans lever les yeux vers elle, ne captant que le mouvement d'un coin du regard, en l'observant discrètement sans directement la regarder.

- J’ignorais que les hommes de votre trempe buvaient des boissons de fillette…

Se contentant de grogner en relevant les yeux vers l'encadrement de la porte vide d'où était partie Samuelle, Théodore leva les yeux au plafond et se laissa tomber contre le dossier de son siège... Un sourire fleurit sur ses lèvres et il ricana en feuilletant du bout des doigts le dossier. Ça allait être marrant tout ça... Même s'il avait l'impression qu'il perdrait patience, qu'il voudrait la tuer d'ici une heure... Ça mettrait un peu de vie dans la routine. Il continua donc ses petites recherches concernant les endroits à visiter... Des banlieues Londoniennes, de petites municipalités tout près qui avaient été attaquées... Ici et un peu plus au nord. Pas bien compliqué finalement. Il termina rapidement de faire un check up des endroits à visiter... Ils pourraient partir maintenant en fait. Il était encore tôt. Ils pourraient partir à la chasse dès maintenant...

Fallait s'équiper pour ça... Des baguettes... Et quelques trucs de l'entrepôt du quatrième étage et tout irait comme sur des roulettes... À condition que l'autre se pointe, évidemment... Il attendit un moment... Un bon moment. Un sacré bout de temps en fait. Et à son grand étonnement, il patienta... Il avait bien hâte de voir de quoi elle était capable. Posant les pieds sur son bureau, un collègue vint papoter avec lui un moment concernant un nid de lutins de Cornouailles dans un bosquet, trop près de résidences moldues. Une fois qu'il se fut tiré avec un coup de pied au cul de la part de son patron pour qu'il se débrouille tout seul, Samuelle revint avec sa tasse. Un sourire très discret aux lèvres, il la regarda poser la tasse.

- Votre thé…
- Eh ben, il était temps.

Répondit-il, désagréable au maximum en la glissant près de lui.

- Et quand à savoir à quoi je peux bien vous s-e-r-v-i-r, j’y ai beaucoup réfléchit et laissez-moi vous aiguillonner sur une piste.
- Vas-y, j'suis curieux.

Fit-il en soulevant la tasse, la glissant sous son nez pour en humer l'arôme, fermant les yeux, sans les lever ne serait-ce qu'une seconde vers sa "stagiaire".

- C’est Rocstone lui-même qui m’a recommandé à vous. Je puis vous être utile dans vos enquêtes: Je suscite toute sorte de questionnement…
- Rocstone c'est un chercheur de sort. J'vois pas c'qu'il viendrait foutre dans mes plates bandes.

Grogna t-il. Visiblement, Rocstone était un point sensible chez lui et le rendait un tantinet agressif...

- Par exemple, qu’ai-je bien pu faire à cette tasse ou à votre thé avant de vous les s-e-r-v-i-r.

S'immobilisant une seconde, il leva un regard noir vers Samuelle... Elle avait pas intérêt à y avoir foutu quoi que ce soit... Au temps qu'elle avait pris à revenir, y avait quand même un risque... Mais si elle y avait réellement mis quelque chose, elle ne lui aurait pas mis la puce a l'oreille... si ? Silencieux, il observa le liquide dans sa tasse... Ça ne dégageait rien de bizarre... Pinçant les lèvres.

- T'as une baguette ?

Demanda t-il, sans poser les lèvres sur le bord de la tasse mais sans la reposer sur la soucoupe...

- Parce que c'est l'minimum requis pour partir à la "chasse".

Fit-il en mimant des guillemets avec une main libre, tenant l'anse de l'autre.

- Viens.

Dit-il en se levant, abandonnant la tasse sur son bureau finalement...

- On va aller j'ter un coup d'oeil a l'entrepôt. T'y prendra c'que tu crois qui t'sera utile.

Ajouta t-il sans se tourner vers elle, sortant de la pièce d'un pas impérieux... Malgré sa courte taille, il avait quelque chose d'intimidant. Une sorte de royauté dans la démarche...

- J’ai une baguette !
- Bah c'est d'jà ça.

Répondit Théodore en se levant... Alors qu'elle posait des questions, il prit la porte sans y répondre... Pauvre créature... Déjà fallait découvrir ce qu'elle foutait là... Et avant qu'elle fasse d'autres dégâts, la capturer... Elle lui filait le train. Elle le suivait de très près, lui emboitant le pas, lui frôlant les talons, limite lui arracher ses baskets des pieds.

- Ils ont des atomiques à l’entrepôt ?
- Bien sûr. Des lance roquettes, des missiles à tête chercheuse, des tanks, des hélicos de guerre et des grenades à fragmentation aussi.

Répondit-il sans se retourner pour lui montrer une grimace sarcastique... Elle était marrante celle-là. Bien sûr, des atomiques, pourquoi pas des collants à mouche... Tant qu'à faire dans l'armement moldu... Ils finirent par arriver à l'entrepôt où il laissa allègrement Samuelle s'équiper comme elle le sentait. Lui, se contenta de "sa" baguette. Il ne passait que très rarement par l'entrepôt à vrai dire. Surtout pas quand il ignorait ce contre quoi il allait se battre... Généralement, les baguettes c'était une formule gagnante. Tant qu'il avait une petite arme de corps à corps sur lui... Rien ne lui faisait peur. Il n'avait pas d'arme particulière alors il pigea parmi celles de l'entrepôt. Un stylet discret qu'il rangea dans sa ceinture... Puis une fois que Samuelle fut prête, il lui posa la question...

- Alors ? On y va ?

Fit-il, sans attendre de réponse, il l'attrapa par la taille, la serrant contre lui avec fermeté, sans la brusquer... Mais la retenant avec plus de force qu'on aurait pu croire d'un homme de sa carrure et il transplana...