En galant prince qu'il était, Nathanaël, voyant que l'on sonnait les douze coups de minuit et avec eux la fin du bal, offrit son bras à sa jolie cavalière, s'offrant comme se doit de la raccompagner. Ce n'était pas comme si elle avait la ville à traverser me direz vous mais... c'était de bon ton de le faire.
Il eut un sourire doux marcha à ses côtés sans se presser. Il lui demandait tantôt si elle avait passé une bonne soirée, si elle n'était pas trop fatiguée. C'était que "Nate", comme on l'appelait ici en Angleterre, était un jeune homme très à cheval sur l'étiquette. Cela faisait tout simplement partie de lui. Il avait pu faire danser la belle Indiana Dashwood et, même si la soirée s'était plutôt mal terminée pour la fratrie, le français avait espoir qu'elle ne garde pas que de mauvais souvenirs de cette soirée. Quoiqu'il en soit il avait été présent pour elle à ce moment là, doux et réconfortant, du moins tout autant qu'Indie avait pu le souhaiter.
Les autres élèves passaient en courant, les évitant à peine. Certains avaient bu, ce que le français trouvait de très mauvais goût mais il ne s'étonnait plus de rien chez les anglais. D'autres ne les voyaient tout simplement pas, ou du moins on l'aurait dit. L'idée fit sourire l'evanesmagus que de penser qu'un instant lui et sa dulcinée pouvaient disparaître. Il n'avait encore pas parlé de ça à Indiana de peur de l'effrayer car il la savait particulièrement sensible pour l'avoir vue se piquer ou s'enthousiasme de choses qui lui, le laissaient complètement indifférent. Pourtant loin de trouver ça ridicule, acceptait ce trait du caractère de sa tutrice, et reconnaissait sans mal que c'était peut-être ce qui la rendait plus attachante encore. Elle n'était pas comme les autres filles, du moins à ses yeux. Il avait entendu certains la traiter d'idiote, ou de nunuche, ou encore de bien d'autres choses qu'il n'avait pas comprises mais qui ne lui avait de toute façon pas plu.

« Eh bien je crois que vous voilà arrivée à bon port mademoiselle. », annonça-t-il comme ils s'étaient arrêtés devant la porte de la salle commune de Poufsouffle.

« Merci de m’avoir raccompagné, c’est très gentil de ta part. »
« Pas du tout Hindiana, c'était la moindre des choses »

On sentait encore que son anglais n'était pas parfait, quelques petites incorrections s'y glissaient et son fort accent français le trahissait de toute manière. Mais avec le temps il butait moins et cherchait moins ses mots. Dans quelques mois il parlerait bien sans doute.
Il la voyait se balancer doucement, en se disant que c'était la gestuelle la plus adorable du monde et en ajoutant pour lui même juste après ça qu'il n'était qu'un imbécile heureux. On aurait dit que tout ce que faisait Indiana était adorable. Il savait bien pourquoi. Et il savait bien aussi ce que ça voulait dire que cette coutume de racompagner sa cavalière après le bal. Généralement c'était à ce moment là qu'on saisissait ou non l'occasion d'embrasser sa cavalière. Nathanaël y pensait mais ça ne l'aidait guère plus à aligner deux pensées cohérentes.

« J’espère que tu as passé une bonne soirée… Malgré mes frères… Tu sais les soirées anglaises ne sont pas toujours aussi mouvementées. »

Il espérait bien. En même temps il lui paraissait complètement invraisemblable que de tels évènements puissent être la monnaie courante de quelque fête que ce soit. Impossible. Où irait le monde? Nathanaël sourit tendrement, un peu trop peut-être mais enfin il ne comptait pas lui cacher ses sentiments ad vitam eternam. Il se rapprocha d'elle doucement.

« J'ai passé une très bonne soirée et c'est grâce à toi... Indiana. »

C'était la première fois qu'il n'écorchait pas son prénom. Il posait sur elle un regard troublant autant que doux. Il approcha encore un peu, et sans la brusquer, sans la bloquer, il posa ses lèvres sur les siennes.

Un instant il douta de lui. On aurait dit qu'il était le seul à se rapprocher et peut-être qu'il avait pris ses rêves pour des réalités et qu'en fin de compte, Indiana n'avait pas du tout envie de l'embrasser... Vous croyez? Non ce n'était pas sérieux. Elle en avait envie autant que lui. Et d'ailleurs elle se rapprochait elle aussi finalement. Nathanaël sourit et ferma les yeux, juste quand leurs lèvres se rencontraient, tout en douceur...

« ATCHOUUUM !!! »

Ca ce n'était pas vraiment ce à quoi il s'était attendu. D'ordinaire quand il embrassait une fille - ce qui ne se produisait pas dans n'importe quelle situation - le baiser était tout de même un peu plus long que ça et puis... elle ne lui éternuait pas à la figure. C'est typiquement dans ce genre de moment que Nathanaël pensait à sa mère et qu'il l'entendait presque dire "c'est navrant de voir à quel point les petites gens manquent de savoir-vivre". Les petites gens... c'était drôle mais maintenant il ne fréquentait que de ce genre de personne et vous savez quoi... il les appréciait. Pas tous bien sûr, et il continuait de trouver que les trois quarts de la population manquaient cruellement d'éducation mais à la place certains avaient comme une grâce naturelle, quelque chose d'unique qui en soit n'avait rien d'élégant en fait mais qui était touchant, plus vrai que les ronds de jambe que leurs enseignaient à faire dès la petite enfance.

« Aaah ! Désolée, Nate ! Vraiment désolée ! »

Il sourit. C'était dans ce genre de petites maladresses que s'exprimait la grâce chez Indiana Dashwood.

« C'est rien du tout. Pas grave... Mh... A ton souhait comme vous dîtes. »

Nathanaël était finalement peut-être aussi gêné qu'elle, et le peu d'assurance qu'il avait en anglais c'était momentanément envolée mais ce n'était pas très grave dans le fond. Il lui prit la main, n'osant pas retenter un baiser tout de suite de peur de se rendre compte qu'elle était allergique à lui - elle en aurait été capable, ne riez pas. Mais il se devait de dire quelque chose parce qu'il était bien élevé. Parce qu'il n'était ni un goujat ni un profiteur alors:

« J'ai remarqué qu'ici vous vous embrassiez sur la bouche souvent et même pour rire, ou juste pour une fois... », il s'éclaircit la voix, reprenant de sa belle contenance,« ...mais moi je suis français alors je n'ai pas le même... comment dire... tradition? Ca n'a pas d'importance en fait... Ce que je veux dire c'est que tu es magnifique Indiana Dashwood et que si ce baiser pour toi c'était plus que... juste pour rire... alors je serais vraiment aux anges*. Je le pense très sincèrement. »


* en français

« Tu me demande si toi et moi… C’est du sérieux ? »

Il sourit, plutôt confiant. Il avait sa prestance naturelle plus cette petite lueur dans le regard. Il ne fallait guère de mot pour décrypter cette expression. Et d'ailleurs Indiana ne lui demanda pas plus d'explication.

« Bien sur que oui, c’est du sérieux ! »

Là dessus il n'y avait guère plus à ajouter, alors il reprit doucement son visage entre ses mains. Il n'y avait rien qu'il ait pu demander. Il se rapprocha une seconde fois, suspendant son geste juste au dessus de ses lèvres. Il rit doucement et lui demanda si elle avait encore envie d'éternuer avant de l'embrasser. Cette fois le baiser se prolongea de sorte que chacun eut bien le temps d'en profiter... à ce point que le français s'oublia un peu et disparut parfaitement. Bien sûr qui aurait pu le voir, vu qu'ils étaient seuls et qu'Indiana avait les yeux fermés.

Ce n'était bien sûr pas la première fois que le français disparaissait par inadvertance mais généralement il s'en rendait compte avant que cela ne se remarque. Là il n'était pas prêt de remarquer quoique ce soit, ni de se douter de quoique ce soit puisqu'il était tout simplement sur son petit nuage à embrasser sa dulcinée.