I want to exorcise the demon from your eyes (pv)

Le hasard fait bien les choses. C'est ce que disent les bonnes gens, les mauvaises aussi d'ailleurs. Mais pour certains il n'y a pas de hasard. Il y a comme une partition invisible, un long métier à tisser sur lequel en fin de compte les lignes suivaient le cours prévu, se nouaient toujours à point. Ce n'est pas par hasard si en sortant de son travail au musée, Keith s'était arrêté au chaudron baveur. Enfin vous pourrez toujours opposer que le hasard avait eu sa part de responsabilité là dedans, que s'il avait tourné à l'angle de la rue au lieu de tracer tout droit comme il faisait toujours d'habitude, c'était simplement par hasard. Vous auriez pu aussi accuser les circonvolutions sasnauskiennes ou les volutes nébuleuses de son amitié avec Matthias de Salamine mais ç'aurait encore été frapper à côté.
Il convient plutôt de reconnaître la main de Pistis Sophia, l'ange des destinés, dans la légère brise qui ouvrit la porte du Chadron Baveur devant Keith. Le jeune homme le remarqua mais il n'y vit que la main du hasard, plus habitué à ce que les anges qui le veillaient se manifestent clairement. Il alla s'assoir au comptoir, attentif pourtant. Un courant d'air glacé ouvrit à nouveau la porte à la volée et un frisson lui parcourut l'échine. Il resta sur le qui-vive un instant, comme s'il s'attendait à ce que quelque chose se produise. Il y avait dans le bar, une jeune femme très belle, mais il voyait bien qu'elle était aveugle. Il y avait aussi un jeune couple, et deux ou trois bougres qui attaquaient la journée par un petit remontant. Il était dix heures du matin quoique le ciel, plongé dans la nuit éternelle, n'en n'eût rien laissé deviner. Quelque part, le jeune homme désapprouvait ce qu'il voyait et son éducation religieuse l'aurait porté à se lever pour prêcher la modération mais :

- Vous prenez quelque chose?
- Euh oui, un café.

De toute façon il avait le temps, Matthi ne sortirait pas du boulot avant midi. Il rentrerait pour onze heure, histoire de faire un peu de ménage. Le petit angelot brun, les épaules sculptées au burin patienta... de nouveau cette étrange impression de froid. Il n'était pas venu là par hasard. Tranquillement, il jouait avec son petit crucifix d'argent, machinalement, sans même y penser en fait. Son café arriva.

De retour à la case départ. En en avait déjà marre de l'Angleterre. Peu de choses à faire, peu de gens à connaître. Tous étaient centrés les uns sur les autres et ne regardaient l'autre que quand ils en éprouvaient une extrême nécessité... Enfin, ce n'était pas ce qui était important pour elle, le regard des autres. Parce qu'elle ne le voyait pas. Néanmoins, cela ne saurait dire qu'elle était insensible aux autres, qu'elle ne désire pas rencontrer des gens pour le simple plaisir de discuter autour d'un thé... ou d'autre chose. Elle était réellement en pays inconnu, ne retrouvant pas ses repères. Elle aurait tant aimé que son frère soit là pour qu'il puisse partager tout cela. Mais hormis le fait de le savoir vivant, elle n'avait pas de ses nouvelles...

C'était donc le coeur lourd d'une mélancolie qui ne la quittait pas mais qui était enfermée au plus profond de son être qu'Avalon franchit la porte du Chaudron Baveur d'un pas des plus assurés. Depuis quelques jours qu'elle était là, elle connaissait au moins suffisamment cet endroit pour ne pas se prendre la moindre chaise ou trébucher sur une marche. Cela faisait un bon moment qu'elle était assise à sa table, une tasse de thé fumante devant elle. Positionnée ainsi, elle avait devait détonner dans la pièce, comme un étrange mélange de jeunesse et d'ancienneté. Les jeunes ne buvaient généralement pas de thé, elle le savait pertinemment mais préférait passer pour vieux-jeu plutôt que de boire un truc infâme que l'on nommait café...

Il ne lui fallu que quelques minutes pour vider sa tasse avec laquelle elle joua un instant avant de se lever. Sûre de son trajet et d'elle-même, elle traversa la salle en esquivant les pilliers de comptoirs buvant leur dose. Il n'y avait que les chaises pour lui compliquer la vie mais cela, elle en avait l'habitude. Au final, elle parvint au comptoir. Mais c'était sans compter le chat qui traversa la pièce en courant et passa entre ses jambes, la faisant trébucher vers l'avant. Avalon se rattrapa comme elle pu. La tasse fit un vol plané pour s'exploser sur un miroir qui suivit le même chemin mortel. Les éclats de verre s'éparpillèrent tels des morceaux de glace et la jeune femme posa les deux mains sur les éclats de verre. Elle frémit, sentant le verre traverser la laine de ses mitaines pour mordre sa peau.

Aussitôt, comme toujours en cas de chute où elle se rattrapait sur les mains, elle sentit la matière sous ses paumes changer. Elle s'en rendit compte avant même de penser à sentir le changement avec le bout de ses doigts. Se relevant en secouant la tête, le mouvement de ses cheveux fit tomber encore du verre, elle murmura une litanie d'excuses, consciente des regards qui s'attardaient sur elle. Le gérant répara le miroir.

-Vraiment désolée.

Il y avait une chose dont elle n'était pas consciente: dans sa chute, elle avait accroché la poche de la veste de l'une des personnes assises au bar.

Si Keith ne vit pas tout de suite qu'une jeune femme - si jolie soit-elle - allait lui tomber dessus ce n'était pas à cause des préceptes sexistes enseignés au Vatican c'était surtout parce qu'il avait suivi du regard le chat qui venait de traverser en courant. Keith avait alors balayé la salle du regard pour voir entrer un homme visiblement bien malade, à ce point que c'en était un peu écoeurant. Mais là encore il n'eut pas plus de temps à consacrer à cet homme. Une tasse vola. Un miroir explosa (mauvais présage). Et la jeune fille se retrouva part terre les mains dans le verre. Le gérant grommela mais ramassa pendant que le préfet de Serpentard relevait la jeune fille.

- Vous devriez enlever vos..., hésitation comme il reconnaissait ce regard là, un regard d'aveugle,Est-ce que ça va? Il faut soigner vos mains.

Pourquoi le mettait-on sur le chemin d'une aveugle. Une seconde Keith leva les yeux vers le plafond comme pour y trouvait quelque chose qu'il était le seul à voir. Tout à côté d'eux, l'homme qui avait fait peur au chat en entrant s'était mit à tousser grassement et le pauvre mouchoir qu'il utilisait été si détrempé qu'il perdait toute utilité. Mais le bonhomme s'obstinait à l'utiliser.

- Hey, vous voulez un paquet de mouchoirs?, demanda le tenancier du café.

L'homme refusa comme il put entre dix quinte de toux et quarante reniflements. Il s'était mis à transpirer à grosses gouttes. Certains clients se reculèrent, clairement dégoûtés. Personne n'avait envie d'être malade. Alors forcément comme il ne restait plus que Keith et la demoiselle en train de parler, le mal-portant se dirigea vers eux, sans crier gare, il posa sa main sur l'épaule d'Avalon et serra fortement comme si sa vie en dépendait:

- Doucement, vous ne voyez pas que vous lui faites mal?, siffla Keith, avant d'apercevoir toutes une armée de furoncles qui apparaissaient à vu d'oeil sur la main de l'homme, ... qu'est-ce que...

L'homme se remit à tousser de plus belle mais il semblait maintenant avoir franchement du mal à respirer. Keith réagit vite, mais pas suffisamment/

Ecartez vous!

Il sortit sa baguette pour séparer la jeune fille de l'homme mais trop tard! Le mal était transmis. Alors l'homme tombait comme une mouche, visiblement rongé de l'intérieur par une espèce de maladie écoeurante. Keith tenait toujours sa baguette fermement pointée sur Avalon.

Sortez! Tous!

Mais son regard laissez bien entendre sauf vous. S'il ne se trompait pas, dans quelques instants la jeune fille aux mitaines montrerait les premiers signes de possessions. Et Keith se trompait très rarement en matière de démons.

De ses blessures où étaient toujours plantés les éclats de verre, elle pouvait sentir son sang s'écouler et être, en petite partie, absorbée par la laine de ses mitaines. Mais il ne fallu pas longtemps pour que le fluide vital s'écoule le long de ses doigts et le temps qu'on l'aide à se relever, une tâche de sang illuminait violemment le sol. Enfin, cela, elle ne le savait pas. Confuse, elle se laissa redresser, entendant à moitié le jeune homme qui lui conseillait de retirer ses mitaines. Elle secoua doucement la tête en guise de négation. Et si l'hésitation dans la voix de son "sauveur" fut remarquée, Avalon ne fit aucun commentaire à ce sujet, préférant murmurer.

-Je vais bien merci...Je... Je vais aller soigner tout cela. Je...

Pour Avalon, tombait équivalait à la perte de tous ses repères. Elle ne s'autorisait pas à user de ce qui lui permettait de sentir le moindre obstacle devant elle et donc, de bouger comme n'importe qui. Elle ne l'utilisait qu'en cas de véritable problème... Lorsque l'on se mit à tousser près d'elle, la jeune femme sursauta et n'eut pas le réflexe de s'écarter. Elle savait que le bruit venait derrière elle mais n'était pas parvenue à en déceler l'orgine. La douleur de ses mains lui prenait toute son attention alors que jamais cela en avait été le cas. Quand elle se décida à s'écarter, elle fut clouée sur place par une main sur son épaule. Un cri de frayeur mourru dans sa gorge où la respiration était coupée par la force que cet homme imprimait à son épaule mais aussi la brûlure qu'elle en ressentait.

Ses traits se départirent de leur calme pour dévoiler sa souffrance. Elle serra les poings, faisant pénétrer un peu plus le verre dans sa peau. Mais cela ne dérivait pas son attention de cette main qui pesait de plus en plus et de cette impression d'intrusion qui naissait dans son esprit. Les paroles du jeune homme s'évanouirent dans un flot confus. Elle n'entendit même pas l'ordre de s'écarter et les gens qui finirent par sortir. Et que dire de l'absence de la main de l'homme sur son épaule? Elle était incapable de savoir qu'il était tombé, elle ressentait toujours le poids, la force et la chaleur de ce contact dont elle n'avait jamais voulu.

Et soudain, elle eut l'impression... non, elle su qu'ils étaient seuls. Il n'y avait plus personne dans la pièce et elle se demandait bien qu'est ce qu'il n'allait pas...

-Je ... Que...

Et puis pour Avalon, se fut le silence et l'obscurité la plus totale. Enfermée dans un coin de son corps, son âme se replia sur elle-même, acceptant sans lutter la défaite imposée par quelque chose contre qui personne ne l'avait mise en garde. L'âme et l'esprit laissèrent à la chose l'usage du corps et la repoussèrent à chaque fois qu'elle tentait de les absorber. A l'extérieur, les mitaines furent retirées, tombant sur le sol et laissant deviner les sceaux qu'elles dissimulaient. Avalon s'entendit rire... Un rire froid et cruel tandis qu'elle s'enfonçait un peu plus dans le noir.

-Je ... Que...

« Shouvah, Adonaï, hélétzah nafeschi hoshihéni lémahan hacedeha ha... »

Elle ne comprennait plus rien... Enfin si tant est qu'à un moment ou un autre, elle eut pu comprendre ce qu'il venait de se passer. Elle sentait son corps bouger de lui même, ses mains se frottaient l'une contre l'autre, créant les étincelles habituelles et d'autant plus visibles que les paumes n'étaient plus couverte par la laine des mitaines. Au fond d'elle-même, Avalon ne supportait pas l'idée que l'on use de son don pour faire du mal. Parce qu'elle était loin d'être naïve. Ce qui venait de prendre possession d'elle n'était pas un parangon de la bonté et de la gentillesse. Toutes les issues étaient closes autour d'eux, le démon observa la salle, surprenant Avalon dont une partie réalisa qu'elle pouvait voir. Néanmoins, elle n'eut pas le temps d'être heureuse ou quoique ce soit d'autre.

Devant elle, un jeune homme, baguette tendue qui ne la/les quittait pas des yeux. Il avait l'air sûr de ce qu'il y avait à faire... Ce qui n'alla pas rassurer Avalon qui eut l'occasion de sentir la fureur du démon qui augmentait au fur et à mesure qu'une incantation s'échappait des lèvres de l'homme. Quand le démon se mit en branle pour attaquer le gamin, la jeune femme chercha à retenir les gestes de l'intrus, le mettant encore plus en colère. Il se vengea en l'enfermant un peu plus loin et chercha à frapper Keith. Le geste fut ralentit au point de s'arrêter. Avalon était décidée à lutter pour elle-même.

La frayeur première était passée, elle comprenait désormais ce qui se passait. Si elle voulait s'en sortir, elle avait tout intérêt de ne pas contrarier les actions de celui qui semblait être capable de la sortir entièrement de là. Le démon recula et frappa les tables encore en place. Celles-ci changèrent pour devenir autant de lianes de bois que de planches avaient été utilisées. Avalon se servit de cet usage de l'Alchimie pour regagner un peu de terrain.

-Aidez-moi..

C'était complètement inutile comme demande, elle le savait pertinemment. Elle espérait simplement que le jeune homme savait ce qu'il faisait. Se posant cette question, elle baissa sa garde et le démon la rejeta en arrière. Avalon était hors course.

Mais l'appel à Elemiah s'interrompit comme le démon esquissait les premières attaques. Keith était bien déterminé à ne pas céder le terrain à cette créature des enfers. Il n'avait pas l'appui du Vatican, mais il savait que ça n'avait jamais rien représenté. Seul Dieu comptait, et s'il le voulait bien, Keith réussirait ce premier véritable exorcisme en solo. Il n'y avait aucune raison.
Le brun esquiva souplement mais le démon suspendit son geste, l'air aussi surpris que Keith. Elle était là, forte, quelque part à l'intérieur. Keith sourit, plus fort de cette conviction.

« Vous pouvez luttez! Ecoutez le son de ma voix. Revenez vers la lumière... »

Mais le démon luttait lui aussi pour garder le contrôle, sans doute agacé qu'un petit morveux encourage son otage. Il fracassait tables et chaises, se servant du don d'alchimie de la jeune femme à merveille. Mais cela laissait justement l'opportunité à Keith de terminer son incantation en énochien.

« Shouvah, Adonaï, hélétzah nafeschi hoshihéni lémahan hacedeha hayot ha-kodesch! »
-Aidez-moi..

L'exorciste acquiesça et l'instant d'après ce fut comme si toute lumière avait été absorbée en lui. Cela c'était passé beaucoup trop vite pour que l'on puisse se rendre vraiment compte qu'en fait c'était son ombre qui avait tout ingurgité. L'ombre de Keith se mit à grandir à vue d'oeil étirant ce qui pouvait ressembler à des ailes. Six exactement. Mais en plus désordonnées. Les ailes d'Elemiah n'étaient que miscellanées de duvets exotiques, de longues lames tranchantes et parfaites, de plumes d'oiseaux imaginaires. Si aux yeux des hommes, toute lumière était absorbée en présence de l'ancien séraphin, aux yeux d'un démon s'était tout le contraire. Dans le noir l'ange irradiait, il semblait un noyau en fusion, capable sans doute de libérer en une fraction de seconde, même pas, l'énergie d'une bombe atomique, mais tout semblait contenu dans l'espace réduit qui reproduisait à la perfection le corps du petit exorciste qui avait invoqué l'ange. Son ombre radieuse menaçait. Keith n'attendit pas plus il fondit sur la jeune femme possédée. Il fallait qu'elle le regarde dans les yeux mais il savait qu'elle allait se débattre, alors il ne perdit pas de temps et prit son visage entre ses mains, lui imposant un regard pénétrant. En arrière Elemiah, terrible, assistait toujours.

« Regardez moi dans les yeux! »

-Vous pouvez luttez! Ecoutez le son de ma voix. Revenez vers la lumière...

Les paroles lui parvinrent avec un temps de retard. Entre le moment où elles avaient été prononcées et sa demande d'aide, s'étaient déroulées plusieurs secondes. Enfermée dans un coin de son corps, son esprit n'avait plus vraiment aucun esproir de s'en sortir. Il fallait qu'elle fasse confiance à celui qui se proposait pour la sauver. Le son de sa voix ne lui parvenait plus, Avalon tremblait mentalement. Le démon n'hésitait pas à la violenter pour s'assurer de sa docilité. Torturée, elle cherchait à reprendre le contrôle de son don, au moins. Elle n'y arrivait pas, son âme pleurait toutes les larmes si tant est que ce fut possible.

Les mots de Keith résonnaient en elle, l'obligeant à se réveiller un peu, à chercher un moyen de sortie autre que l'anéantissement. Le démon lui imposait la vue de tout le mal qu'il avait pu faire, obligeant Avalon a le subir aussi fortemment que si elle avait été à la place de ses innombrables victimes. Elle hurlait sans que cela ne s'entende à l'extérieur, elle suppliait et la seule réponse qu'elle obtenait était un rire moqueur. Et quand le démon posa les yeux sur l'exorciste, la lumière parvint à l'atteindre, lui offrant le courage et la force qui lui avaient été arraché à grand renfort de torture mentale.

Signe qu'Avalon avait reprit la lutte, elle parvint à empêcher son corps de bouger quand Keith fondit sur elle. Se déroula alors quelque chose d'étrange. Le démon luttait contre l'étreinte qui lui était imposée, Keith cherchait à tenir le visage d'Avalon entre ses mains et celle-ci cherchait à lui faciliter la tâche. La confrontation fut assez confuse, la jeune femme parvint de justesse à éviter un nouvel usage de son don et quand elle entendit l'ordre venant du jeune homme, elle rassembla toutes les forces qui lui restaient pour obéir. Son regard accrocha désespérément celui de Keith, ses mains crochetèrent ses poignets et tremblaient.

L'hôte se défendait et même mieux que Keith l'avait escompté. Elle s'accrochait à ses poignets luttant de tout son être pour ne pas céder la place à la monstruosité qui la possédait. Très vite, lui, l'exorciste se laissa imprégner par cette étrange langue qu'il ne maîtrisait pas, cette lange que ne parle que les anges mais que les démons comprennent, quoique leur bouche infernale la leur interdise.
Chaque mot venait comme d'ailleurs, de plus haut au dessus de lui, pourtant c'était bien Keith qui les prononçait et les répétait semblait-il à l'infini.
Il gardait le visage de la jeune femme entre ses mains, puis au plus fort de l'exorcisme, quand il sentait que le démon luttait, résistait et essayait de le rejeter plus fortement encore, il posa son front sur celui d'Avalon sans ciller. Ainsi il ne rompait pas le contact visuel.
Derrière lui il faisait si noir qu'on avait presque l'impression que les ombres s'étaient fondues en tâches d'encre parfaitement tangibles.
Son coeur s'accéléra comme Elemiah touchait l'âme de Keith par un moyen qu'aucun mortel n'aurait pu comprendre, puis l'ange déploya toutes ses ailes libérant sa lumière. Keith ferma les yeux de peur de perdre la vue à nouveau mais face à lui le démon, qui n'avait aucun moyen d'échapper à la radiance de la justice divine se sentit à nouveau précipité dans les entrailles brûlantes de la terre. Cela n'avait duré qu'une fraction de seconde. La lumière s'évanouit puis retrouva sa densité et sa chaleur habituelle.

Autour d'eux les chaises et les tables étaient renversées mais le bar tenait encore de bout malgré tout. Keith se laissa tomber vers l'arrière. Son dos heurta le plancher dans un bruit mat et il ferma les yeux un instant. La force d'Elemiah avait nettement cru depuis le dernier exorcisme auquel ils avaient procédé ensemble et Keith se sentait littéralement vidé. Pire encore, il avait cette horrible sensation de migraine, comme si un ultrason avait été diffusé à l'intérieur même de son crâne. Il serra le poing restant un instant à terre mais conscient.

Intérieurement, elle avait mal. La souffrance se gravait en lettre de feu dans la mémoire de l'Alchimiste qui assistait, impuissante, à des choses qu'elle n'aurait jamais fait. Lentement mais sûrement le démon prenait le pas sur elle. Les entraînements pour maîtriser l'alchimie ne l'avaient jamais mise devant une telle situation. Dans la situation actuelle, elle faisait ce qu'elle pouvait pour se battre et reconquérir ce qu'on voulait lui voler. Le secours de Keith et sa présence lui étaient utiles, lui montraient de quel côté il fallait qu'elle aille. Elle suivait ses instructions à la lettre. Une vague odeur de brûlé lui vint aux narines, elle entendait la voix du jeune homme comme étoufée, comme s'il lui parlait à travers un mur épais. Le temps s'écoula... Combien en tout? Elle n'en avait aucune idée. Le démon se débattait de plus en plus, lui faisant faire des mouvements incontrôlés dont l'un d'eux eut pour conséquence de lui fouler le poignet.

Avalon gémit, le front de Keith se pressant contre le sien. La fin était proche... La sienne ou celle du démon? Elle ne le savait pas. Malgré la souffrance, elle aggripa de nouveau les poignets du jeune homme comme si avoir plus de contacts avec lui, lui permettait de lutter un peu plus fort. Quand il ferma les yeux, Avalon hurla à s'en briser les cordes vocales. Au même moment, elle se sentit libérée, étrangement... pure. Elle s'effondra sur elle-même, le souffle court, l'esprit engourdit par l'épuisement et par la douleur. Des larmes roulaient sur ses joues pâles et elle parvint à se rouler en boule avant de s'évanouir...

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