A l'angle de la ruelle centrale, il suffisait de se poster une épaule contre l'arrête de brique pour voir un rayon de lune foudroyer l'église de campagne. La vue avait quelque chose d'envoûtant mais de sinistre aussi.

Il fallait bien le noter. Cela tenait peut-être à l'ombre du cimetière qui se profilait sur le haut de la colline, découpant dans le ciel noir de petites croix et pointes ogives.

Dans le fond c'était ce qui plaisait à Eros. Le vampire poussa les portes de l'église avec une facilité déconcertante. Le grincement lui tira un sourire effilé. De son vivant, on lui avait toujours répété que la maison de Dieu, les aberrations dans son genre ne passaient jamais la porte. Il se rappelait avec amusement la première fois que Menoch l'avait poussé à l'intérieur d'une église en se riant de sa peur d'être foudroyé sur le parvis. Il ne s'était bien sûr rien passé.
Il porta ses lèvres au bénitier et se redressa, le menton tâché de pourpre.

Eros glissa sa main dans la poche intérieure de sa veste, en sortant un petit carré d'inox. La flamme du briquet apparut dans un petit crissement sec avant d'aller crépité sur la mèche d'un cierge qu'il avait aussi sorti de sa veste. Il ne fallait pas s'attendre à en trouver dans l'église, elle était abandonnée depuis bien trop longtemps pour ça.

Une odeur de mort toute fraîche et de sang le tira de son recueillement. Le vampire aux yeux verts regarda par dessus son épaule...

Kheeva se figea sur place à l'entrée de la vieille église en ruine, la lame du couteau encore dégoulinante de sang. Tiens si elle s'était attendue à ça en venant ici... Un vampire solitaire. Ici. Elle éjecta le sang de la lame d'un coup sec du poignet avant de rengainer son arme, sans prêter plus d'attention au premier locataire des lieux. Finalement la loi de l'emmerdement maximal devait vraiment exister... c'est toujours quand on est dans son bain qu'on choisit de sonner à votre porte. Ou quand vous vous offrez une partie de chasse en solitaire que vous tombez sur la seule âme qui vive dans les environs... enfin si tant est qu'un vampire puisse être considéré comme vivant ou étant encore détenteur de son âme. « Bonsoir je suppose... tu ne m'en voudra pas si je m'installe dans ce coin là bas j'imagine ? Après tout c'est pas comme si tu avais le choix pas vrai ? » Elle lui fit un joli petit sourire avant de sortir récupérer la carcasse du chevreuil et de la trainer à l'intérieur, pour commencer à la dépiauter. « Oh tu m'excusera mais je n'avais prévu personne à diner, mais je t'en prie je ne vais pas te mettre à la porte. » Nouveau sourire, bon il fallait bien qu'elle fasse la conversation pour deux puisqu'apparement le chat lui avait manger la langue. Ayaya, Change' aurait encore dit qu'elle faisait l'impertinente... soit peut être qu'elle n'apprendrait jamais finalement...

Tiens encore cette fille, se dit le vampire. Son excellente mémoire ne remettait que trop bien cette fameuse nuit de décembre où vampires et lycans s'étaient jetés tête baissée droit dans le mur avec cette histoire de poète maudit. Un vrai fiasco s'il en était. Et cette fille, c'était l'une des trois qui leur avaient tenu lieu de porte d'entrée dans le vieux château écossais. Force est donc de s'en souvenir puisque son image s'attache encore et encore à celle de la petite reine des damnés qu'on a bien cru perdre cette nuit là.

Eros s'en était ému. Bien moins que Menoch c'est certain mais tout de même. La petite reine avait toujours eu l'affection du clan de Menoch, bien plus que la reine Rosarjo d'ailleurs. Allez savoir pourquoi.

K H E E V A ❖ « Bonsoir je suppose... tu ne m'en voudra pas si je m'installe dans ce coin là bas j'imagine ? Après tout c'est pas comme si tu avais le choix pas vrai ? »
E R O S ❖ « On l'a toujours... », musa-t-il avec son éternel sourire espiègle.

Ce n'était pas comme si, s'il l'avait vraiment voulu, il ne pouvait pas la chasser. La chose lui aurait même été plus que facile mais Eros était un vampire plutôt hospitalier, contre toute attente. C'était vrai, la flamme surnaturelle dans ses yeux olive en faisait partir plus d'un. Son teint pâle faisait le reste et pourtant une fois nourri, il retrouvait cette jolie peau olivâtre qu'il avait eu de son vivant, les cheveux sombres mais d'un sombre chaleureux, pas tout à fait noir.
Là dessus il restait toujours suffisamment de têtes brûlées, d'impertinents, et de mégalomaniaques pour venir lui tailler la bavette quand il ne cherchait qu'un instant de calme pour se recueillir. Bon joueur, il accueillit pourtant l'intruse avec un sourire malgré la puanteur du cadavre qu'elle traînait avec elle. C'était un des inconvénients de son état d'homme damné.

K H E E V A ❖ « Oh tu m'excusera mais je n'avais prévu personne à diner, mais je t'en prie je ne vais pas te mettre à la porte. »
E R O S ❖ « C'est trop aimable. », se moqua-t-il en s'asseyant sur l'autel tout à côté du tabernacle, lui faisant face cette fois. « Tu pardonneras à un fin gourmet de ne pas se joindre à toi pour dîner. J'ai le palais trop sensible pour le gibier faisandé. »

Sourire courtois. L'échange l'amusait visiblement beaucoup. Eros balançait ses jambes comme un petit garçon qui s'ennuie, et son sourire mutin, son regard captivant faisait tout le reste. Lui ne faisait concrètement rien que répondre aux piques que la louve lui avait servies gratuitement. Mais il n'était pas sur la défensive, bien loin de là.

« On l'a toujours... », elle lui rendit son sourire en entendant sa voix. Est-ce qu'on avait toujours le choix ? C'était une pensée bien trop philosophique pour elle en ce moment, elle était affamée, pas vraiment dans l'optique de se lancer dans un débat philosophique passionnant. Elle continua tranquillement sa besogne sans cesser de l'observer du coin de l’œil. Son allure lui rappelait vaguement quelque chose mais elle ne remettait pas le doigt dessus, pas encore du moins. Alors pourquoi l'asticoter ainsi ? Elle ne savait pas trop en fait... elle aimait bien son aspect, elle se sentait mise en confiance par... quelque chose en lui, elle n'aurait su dire quoi. Mais elle l'aimait bien, et comme elle l'aimait bien, elle poursuivait son babillage. Oh elle sentait bien qu'il était plus qu'il ne paraissait, qu'il aurait pu l'éjecter manu militari s'il l'avait voulu. Elle sentait bien que c'était un vieux vampire, peut être pas un Ancien, mais au moins aussi vieux voir plus qu'elle. Plus qu'autre chose il semblait amusé par ses façons même si elle soupçonnait d'être mal tombée. Diable, que venait foutre un vampire dans une église aussi ? D'habitude le coin était désert. « Tu m'excusera mais je n'avais prévu personne à diner, mais je t'en prie je ne vais pas te mettre à la porte. » plaisanta-t-elle avec un autre sourire.

« C'est trop aimable. » Elle se mit à rire avec légèreté avant de se laver les mains sous un filet d'eau claire « Tu pardonneras à un fin gourmet de ne pas se joindre à toi pour dîner. J'ai le palais trop sensible pour le gibier faisandé. » Elle applaudit mentalement à cette jolie pique avant de feindre une indignation curieuse, se penchant sur son futur repas pour le renifler « Faisandé tu es sur ? J'aurai pourtant jurée l'avoir abattue il y à moins d'une heure... Aurai-je l'autorisation du fin gourmet de cuire ma viande ou devrais-je me contenter de manger froid ? Je ne voudrais pas heurter davantage la sensibilité de ton délicat odorat... » Elle se remit à rire légèrement, l’œil pétillant de malice avant de rajouter. « Je veux bien te promettre que je ne te forcerais pas à goutter si ça peux te rassurer... »

K H E E V A ❖ « Faisandé tu es sur ? J'aurai pourtant jurée l'avoir abattue il y à moins d'une heure... »
E R O S ❖ « Pouah 1 heure! mais que font les services de l'hygiène? », lança-t-il d'un ton volontairement surjoué.
K H E E V A ❖ « Aurai-je l'autorisation du fin gourmet de cuire ma viande ou devrais-je me contenter de manger froid ? Je ne voudrais pas heurter davantage la sensibilité de ton délicat odorat... »
E R O S ❖ « Fais donc, j'en ai senti d'autres. Et puis c'est pas ça qui va me rendre malade hein. »

Il n'était effectivement plus en état d'être malade au sens strict. Cependant s'il le lui concédait, l'odeur de viande cuite était pire encore que celle de la viande dont lui aurait pu sentir les prémices de la décomposition seulement quelques minutes après que la mort soit survenue. Tout jeune vampire, il avait souvent cru vomir en passant devant la fenêtre d'une paysanne qui faisait rissoler la garniture de ses agnolotti, lui qui enfant en avait volé par paquets de mille à même la poelle chaque fois que sa mère avait tourné le dos pendant qu'elle faisait la cuisine. L'odeur de la viande cuite ou l'odeur d'un cadavre laissait à fermenter dans une cave bien humide pour un vampire cela revenait à peu près au même. Mais à son âge il avait tout de même fini de se froisser au point de s'en rendre vraiment malade.

K H E E V A ❖ « Je veux bien te promettre que je ne te forcerais pas à goutter si ça peux te rassurer... »
E R O S ❖ « J'avoue m'être fait des sueurs froides pendant un moment mais me voilà complètement rassuré. »

Il eut un petit sourire. Elle avait un rire mélodieux et franc. Quelque chose qui remplissait la pièce d'un peu de chaleur humaine, chose à laquelle lui même aurait bien eu du mal à pouvoir, du moins selon ses propres critères.

Par courtoisie Kheeva prit soin de construire son feu à contrevent de manière à épargner le plus gros des odeurs de cuisson à son compagnon d'un soir. La viande était réellement savoureuse, pleine des émotions de la chasse, une saveur que tout les loups savouraient et quelque part cela l'attristait de ne pouvoir partager ça avec lui. Elle aurait réellement appréciée de pouvoir partager un repas même avec un vampire. Ah voilà qu'elle se sentait d'humeur mélancolique... Elle la rejeta d'un geste rageur en même temps qu'une mèche volage qui lui tombait devant les yeux. Non vraiment, elle n'aimait pas se sentir comme ça. La tête inclinée sur le côté, elle joua un moment avec un bout de bois en silence avant de le jeter dans le feu mourant. « Excuse moi je,... désolée. » elle émit un petit rire sans joie avant de poursuivre « Je voulais pas t'ignorer c'est juste que... j'étais perdue dans mes pensées. Au fait, comment dois-je t'appeler ? Je ne connais même pas ton nom. »

Tandis qu'elle mangeait un bout, lui se laissait porter par ses pensées. Il maudissait la nature de l'accabler de réflexes tous plus inutiles les uns que les autres vu son état de vampire. Respirer par exemple. C'était un réflexe dont il n'avait jamais réussi à se débarrasser. D'un autre côté ça le rendait un petit peu moins glauque peut-être.

K H E E V A ❖ « Excuse moi je,... désolée. »

Il fronça les sourcils, se demandant de quoi elle s'excusait. Il aurait pu fouiner dans sa tête mais, de famille, ce n'était une pratique dont on abusait. Il lui laissa donc le loisir de s'expliquer d'elle même.

K H E E V A ❖ « Je voulais pas t'ignorer c'est juste que... j'étais perdue dans mes pensées. Au fait, comment dois-je t'appeler ? Je ne connais même pas ton nom. »
E R O S ❖ « Eros. » , il eut un sourire en coin comme il savait très bien que son prénom prêtait sourire ou à rougir pour certaine, « Kheeva... Callaghan? Si je me souviens bien. »

Il se souvenait bien mais il se laissait une marge d'erreur. Sait-on jamais...

Elle avait posée la question davantage pour ranimer un semblant de conversation qu'autre chose, sans vraiment trop écouter même sa propre question, alors quand la réponse tombe d'un coup, la louve prends un air de surprise comme une enfant fautive prise en flagrant délit de rêverie « Eros. » un, deux battements de cils avant que naisse un sourire mi amusé, mi moqueur. « Ton 'père' à un curieux sens de l'humour ou serait-ce une invitation masquée à la curiosité ? » Bon d'accord, elle l'avouait, sa curiosité était déjà piquée au vif avant même le nom. Par contre ce qui la scotchait c'est surtout le :« Kheeva... Callaghan? Si je me souviens bien. » Wow... elle le regarda avec un air méfiant, tout d'un coup aux aguets, prête à bondir la main sur le manche de son couteau. « On se connait ? »

K H E E V A ❖ « Ton 'père' à un curieux sens de l'humour ou serait-ce une invitation masquée à la curiosité ? »
E R O S ❖ « Qu'est-ce que tu préférerais? », demande-t-il un brin charmeur parce que c'est dans sa nature profonde et que le don obscur n'a en rien arrangé cet aspect de sa personnalité.

Il s'éclaircit la voix. La bouche prend un petit pli à la commissure qui a vaguement le goût de la moquerie ou plutôt de l'auto-dérision. Finalement un éclat de rire lui échappe. Un éclat plein de vie et de contradiction.

E R O S ❖ « Non euh... en fait c'est mon vrai nom. Eros. C'est ma mère qui me l'a donné. Il y a longtemps... Sans aucune arrière-pensée, enfin j'espère!», expliqua-t-il toujours aussi hilare.

Ses canines pointaient, soulignant cette petite fossette adorable au coin de sa bouche. N'eût été ce détail on se serait suspendu aux lèvres de cet ange aux boucles noires qui riait de lui même, et de si bon coeur. Il finit par se calmer et par demander confirmation sur la personne à qui il avait à faire faisant visiblement mouche.

K H E E V A ❖ « On se connait ? »
E R O S ❖ « Je n'irais pas jusque là mais j'étais là moi aussi cette fameuse nuit de décembre. » , inutile de donner plus ample de détail, c'était une nuit dont tout le monde se rappelait que ce soit chez les fils d'Abel, de Seth ou de Caïn quoi qu'en ce qui le concernait, il ne croyait pas à la théorie caïniste, c'était un petit peu trop catholiquement idéal comme explication au vampirisme... « Je suppose que maintenant si je veux éviter de me retrouver avec un couteau sous la gorge ou planté là tout seul comme un con il va falloir que je précise que ce n'était pas de bon gré. Enfin, il te restera encore à juger de ma bonne ou de ma mauvaise foi... je suppose. »

« Qu'est-ce que tu préférerais? », elle esquissa un sourire espiègle et un brin enjôleur. « Je suis curieuse de nature... » Un commentaire anodin mais qui en soit pouvait signifier tout et n'importe quoi. Puis son rire éclate doucement, un rire porteur de quelque chose qui la fait frissonner instinctivement, sans trop savoir si cette réaction est positive ou non jusqu'à ce que son rire la rattrape et qu'elle ne se mette à sourire à sa suite. « Non euh... en fait c'est mon vrai nom. Eros. C'est ma mère qui me l'a donné. Il y a longtemps... Sans aucune arrière-pensée, enfin j'espère!», cette fois-ci, elle se met à rire aussi, portée par un sentiment de bien-être, ce genre de discussion lui à manquée, la dernière fois qu'elle se souvient avoir rit remonte à... à si loin. D'un seul coup son rire retombe au moment où elle même replonge dans sa nostalgie. Et puis d'un coup la situation dérape brusquement sur une simple question, un truc bête et anodin mais qui la tire de ses pensées si vivement qu'elle en est presque à lui sauter à la gorge, comme un animal acculé.

Puis survient l'explication qu'elle écoute attentivement un peu sceptique de prime abord et assurément méfiante. Le fait qu'il se soit trouvé sur place ne joue pas en sa faveur, lui non plus. Elle hésite, elle ne sait pas quoi faire et c'est peut être ça plus que le reste qui fini par lui faire ranger son arme quand il poursuit, car après tout s'il avait voulu lui faire quoique ce soit sa simple hésitation lui aurait coûtée cher. Très cher. « Je suppose que maintenant si je veux éviter de me retrouver avec un couteau sous la gorge ou planté là tout seul comme un con il va falloir que je précise que ce n'était pas de bon gré. Enfin, il te restera encore à juger de ma bonne ou de ma mauvaise foi... je suppose. » « ... Pardon de m'être... emportée. Un moment j'ai cru que... C'est idiot. Je suis désolée, je suis un peu... à cran en ce moment. », comme pour se donner du réconfort elle passe ses bras autour de ses jambes, le menton posé sur ses genoux. « Cette nuit... Je préfère l'oublier. Ses souvenirs là me sont trop douloureux encore. »

K H E E V A ♦ « ... Pardon de m'être... emportée. Un moment j'ai cru que... C'est idiot. Je suis désolée, je suis un peu... à cran en ce moment. Cette nuit... Je préfère l'oublier. Ses souvenirs là me sont trop douloureux encore. »

Il la regarde hésiter, se refermer sur elle même... une plaie douloureuse sommeil là, il n'a pas de mal à s'en rendre compte. Nul besoin même de savoir lire les pensées. D'autant qu'il était là cette nuit là.
Il baissa les yeux un instant, pensif. Ses magnifiques yeux verts.

E R O S ♦ « C'est une nuit dont je n'aime pas me rappeler non plus. Mais il m'a semblé que par soucis de transparence... »

Il repense à la petite reine, le crâne défoncé, elle qui était si jolie. Alors son coeur se serre pour cette gamine qu'ils ont tous aimé tendrement, parce qu'elle avait su réchauffer le coeur d'un mort. Le coeur de Menoch, celui qui les avait tous faits. Ca vait de l'importance à ses yeux bien qu'elle ne fut en rien liée à lui directement sinon par son statu de reine. Mais elle avait été bien plus que ça...

Il releva les yeux sur sa visiteuse impromptue. Certaines plaies ne cicatrisaient jamais...

Kheeva échangea un long regard silencieux avec le vampire, si presque tout les opposaient à cet instant là, leurs souvenirs et leur douleur muette les rapprochaient comme jamais. Un long moment d'empathie qu'elle n'avait pu partager avec Jake, une empathie qu'elle pensait morte en même temps que sa jumelle. Timidement, elle se détourna avec lenteur, un léger sourire plein de tristesse voilant son visage. Le silence s'éternise un peu comme elle se perds dans ses songes avant d'être rappelée à l'ordre par le claquement soudain d'une branche dans le feu. Un coup de baguette et la carcasse à disparue, emportée loin au cœur des bois pour la plus grande joie des autres prédateurs et surement d'un en particulier. Les bras passés autour de ses jambes, la tête posée sur ses genoux, elle reste là un moment comme hypnotisée. « Quand j'étais petite, je pouvais passer des heures comme ça, à regarder danser les flammes. Avec ma sœur on se racontait des histoires et les flammes qui dansaient sous nos yeux en étaient les personnages. » Un faible sourire nait sur ses lèvres. « On aurait presque cru pouvoir discerner leurs visages en se concentrant dessus. Je me souviens d'une fois où, je me suis tellement penchée pour les voir que mes sourcils ont cramés, je suis restée comme ça pendant des mois avant qu'ils repoussent, en somme ça à été plus mortifiant que la correction que m'a mise ma mère. » Son sourire s'est épanoui sur son visage. Elle se tourne un peu vers lui pour partager un peu de la chaleur de ses souvenirs plus joyeux et tombe en arrêt sur son visage et le reflet des flammes qui dansent sur ses traits. À cet instant, elle le trouve magnifique, d'une beauté bien différente de celle d'un loup, plus froide, moins sauvage, plus raffinée. Elle comprends mieux ce que Kveld peut ressentir pour sa vampire, vivement une brève rougeur lui vient à la pensée qui la traverse et elle se détourne un peu pour le cacher. « Désolée, je parle trop... Je voulais pas t'embêter avec des choses aussi ennuyeuses. »

« Quand j'étais petite, je pouvais passer des heures comme ça, à regarder danser les flammes. Avec ma sœur on se racontait des histoires et les flammes qui dansaient sous nos yeux en étaient les personnages. »

Il l'écoute, d'abord simplement puis ses yeux vert précieux s'oublient un instant dans les flammes. Il se laisse porter par cette voix aux proches accents familiers. Elle a une petite saveur vénitienne, de très loin ou peut-être un peu plus du sud. Il n'y a jamais rien entendu en accent lui le napolitain. Il les revoit ces deux petites filles, le menton dans leur genoux. Des jumelles. Tout le portrait de leur père mais les yeux sombres, les yeux de biche d'Olivia.

La voix de la louve est un murmure doux. Le fil qui le ramène à une Ariane imaginaire perdue depuis des siècles déjà dans le labyrinthe impitoyable de la mémoire. Celui dont on ne ressort jamais. Un mince sourire vient passer sur sa bouche de vampire, comme une caresse. Comme un baiser lui aussi déjà trop oublié.

« On aurait presque cru pouvoir discerner leurs visages en se concentrant dessus. Je me souviens d'une fois où, je me suis tellement penchée pour les voir que mes sourcils ont cramés, je suis restée comme ça pendant des mois avant qu'ils repoussent, en somme ça à été plus mortifiant que la correction que m'a mise ma mère. »

Il revient à elle, car ce souvenir là ne peut pas lui appartenir. Et malgré tout il a un petit hoquet hilare à s'imaginer la gamine aux sourcils brûlés dont lui parle la chasseuse. Mais cet instant meurt déjà et ils replongent dans leur mutisme douillet pour quelques minutes de plus.

« Désolée, je parle trop... Je voulais pas t'embêter avec des choses aussi ennuyeuses. »
« Ça n'était pas ennuyeux. Je me rappelais moi aussi c'est tout... »

Il la détaille un instant, le rougissement de la demoiselle ne lui échappe pas, contrairement à ses pensées. Il aurait largement l'âge de pouvoir forcer cette tête aussi charmante que bien remplie mais c'est une chose qu'on ne pratique que peu dans sa famille.

« J'avais d'autres jeux étant enfant... sans doute tout aussi charmants qu'idiots. », se moqua-t-il sans rien perdre de ce raffinement désinvolte qui avait été le sien jusque là. On aurait eu peine à se l'imaginer bondissant à la gorge d'un malheureux et lui sucer le sang jusqu'à ce que mort s'ensuive.« Mais sans doute pas très intéressants à raconter hélas... »

La louve reste loin d'imaginer quels souvenirs ses évocations font ressurgir dans la mémoire du vampire, tout ce qu'elle voit c'est ce bref rire qui le gagne et lui tire à elle un faible sourire comme elle replonge dans ses pensées. « Ça n'était pas ennuyeux. Je me rappelais moi aussi c'est tout... »

Surprise, elle relève la tête et se retourne vers lui, un peu confuse. Qu'est ce que ses propres souvenirs peuvent bien réveiller dans sa mémoire à lui ? Voilà qui la laisse pensive et, curieuse, elle attends la suite qui tarde à venir. Elle, elle ne se méfie pas. Trop jeune pour avoir vécue les guerres entre leurs deux espèces, trop ignorante quand aux vampires, après tout le seul auquel, elle ait eu affaire c'est Changelin. Elle ne pense plus au danger potentiel qu'il représente, sa garde est baissée, elle reste là attentive -et un peu sous le charme il faut bien l'avouer- à attendre la suite de son histoire. « J'avais d'autres jeux étant enfant... sans doute tout aussi charmants qu'idiots. », elle se met à sourire plus franchement, amusée par la remarque, « Mais sans doute pas très intéressants à raconter hélas... » L'arnaque ! Il croit réellement s'en tirer par une si piètre pirouette ? C'est mal la connaitre... « Je suis certaine du contraire ! Allez, ne te fait pas prier... Où est-ce que tu as grandis ? »

« Je suis certaine du contraire ! Allez, ne te fait pas prier... Où est-ce que tu as grandis ? »

La première de toutes les choses que Menoch lui avait enseignée en le mordant, c'était d'enterrer l'homme qu'il avait été. De ne laisse à personne de quoi l'atteindre. Ce précepte, Eros l'avait appliqué à la lettre, à ce point qu'il n'avait jamais plus fait mention de ces prénoms qu'il chérissait tant. Olivia. Michelangelo. Rosabella. Pia. Micaela.

Un fin sourire passe sur ses lèvres après une hésitation mais il répond.

Napoli... il y a... fort longtemps et très loin d'ici.

Il passa sur cette petite blague. Comme toujours, on aurait eu bien du mal à prendre le vampire au sérieux alors qu'il n'avait de cesse de faire des blagues. Mais chassez le naturel... c'est bien connu.

L'oeil clair d'Eros glissa sur la louve comme il la trouvait belle et que c'était aussi l'une des choses qui faisait son naturel à lui. Pour autant, il n'avait pas cherché à la charmer, sans doute parce qu'en eux tout s'opposait, ou peut-être plus simplement parce qu'il appréciait ce moment de détente qui venait comme ça sans raison.

Elle le sent qui hésite et se fait prier. Elle est presque prête à lui foutre la paix avec ses questions, après tout elle est une étrangère pour lui. Bon elle aimerait bien faire la conversation tout de même, mais c'est vrai que le voir lui confier des choses de ce genre. Dommage.

Napoli... il y a... fort longtemps et très loin d'ici.

Sa manière de prononcer le nom de sa ville natale, ça lui fait tiquer les oreilles avant même d'enregistrer le nom de la ville en lui même. Italiano si ? Quelle veine ! L'italien lui manque terriblement, il n'y avait qu'avec sa sœur qu'elle... bref. Avec un petit sourire d'écolière elle se met aussitôt à repasser à sa langue maternelle, sans même réfléchir.

Sei napoletano? Mi dicevo bene che il tuo accento mi sembrava familiare! Sono nata vicino a Verona. Infine... del meno quando Verona era ancora veneziana...

Parler cette langue, l'avait toujours apaisée, réconfortée. D'un seul coup elle se sent plus proche du vampire qu'elle connait à peine que des loups avec qui elle à passer les derniers siècles. Parce qu'ils avaient des racines communes. Que malgré leurs différences, ils avaient la même terre dans le sang.

Non ho rimesso mai i piedi da me da... da... ciò. dit-elle les yeux braqués sur ses mains levées. Mélancolique ? Toujours un peu quand la lune montait. A moins que ce ne soit pour une autre raison plus tangible...

Eros eut un petit sourire en l'entendant parler italien. Il revenait rarement dans son pays natal et même si à l'époque un napolitain n'aurait jamais voulu entendre parler des italiens -lui le premier d'ailleurs - depuis les choses avaient changé.

C'est drôle dans le fond on se dit qu'on a l'éternité pour y revenir et puis... au final les occasions se font trop rares. Je ne sais pas non plus depuis quand je n'ai pas remis les pieds dans ma belle Naples.

Ce n'était pas le genre de choses dont il parlait. La vérité c'était qu'il aurait pu y retourner pratiquement quand il le voulait mais quelque chose faisait qu'il n'y venait pas. Peut-être parce qu'il s'était rendu étranger à lui même, à ce Eros qui avait autrefois une famille au soleil et que tout le monde appréciait. Pourquoi Naples si c'est pour fuir son soleil radieux? Pour rien. Alors...

Elle te manque n'est-ce pas?, demanda-t-il le plus simplement du monde, sans même se douter à quel point cette question pouvait paraître équivoque.

C'est drôle dans le fond on se dit qu'on a l'éternité pour y revenir et puis... au final les occasions se font trop rares. Je ne sais pas non plus depuis quand je n'ai pas remis les pieds dans ma belle Naples.

Elle l'enviait tellement d'un seul coup. Elle afficha un sourire triste. Des occasions hein ? Naples...elle n'y avait jamais mis les pieds.

Mon village... à été rasé, tout à brulé. Il n'y à plus rien là bas que des os et des pierres mortes. J'avais neuf ans.

Une éternité. Mais la douleur était aussi vive qu'hier. En fait de cette journée là ne lui restait que des brides de souvenirs. De ceux qui vous réveillent en pleine nuit et vous glace les sangs. Elle frissonna imperceptiblement.

Elle te manque n'est-ce pas?, elle sursaute, tirée brusquement de ses rêveries.

C'est... comme si j'étais morte avec. Une partie de moi même est morte quand ils ont massacrés ma famille. Cette nuit là, je ne sais pas qui de nous deux est morte. On avait survécut à tellement... tellement de choses. Même nous, ils nous arrivaient de ne plus savoir où commençait l'une et finissait l'autre... J'ai l'impression d'être seule et coupée du monde., petit soupir de dérision, Ça fait tellement dramatique dis comme ça... Tu as déjà ressenti quelque chose de semblable ?

Mon village... à été rasé, tout à brulé. Il n'y à plus rien là bas que des os et des pierres mortes. J'avais neuf ans.

Eros penchant doucement la tête sur le côté, ses pupilles se rétrécirent dans un effort de comprendre ce que d'autres clans de vampire pouvaient trouver de si délectable dans la souffrance humaine. Parce qu'après tout, ils n'étaient que cela. Tous des humains. Lui la trouvait touchante mais sa propre compassion l'empêcher de jouir de cette figure d'humanité contrite. Ce n'était peut-être pas plus mal. Etait-ce ce genre de choses qui faisaient de vous un être plus humain? Eros leva les yeux vers le Christ en Croix mangé par la rouille qui les surplombait... peut-être pas aux yeux de tous mais qu'importait.

C'est... comme si j'étais morte avec. Une partie de moi même est morte quand ils ont massacrés ma famille. Cette nuit là, je ne sais pas qui de nous deux est morte. On avait survécut à tellement... tellement de choses. Même nous, ils nous arrivaient de ne plus savoir où commençait l'une et finissait l'autre... J'ai l'impression d'être seule et coupée du monde., petit soupir de dérision, Ça fait tellement dramatique dis comme ça... Tu as déjà ressenti quelque chose de semblable ?

A nouveau son regard s'obscurcit mais le vampire répondit.

Ma Naples n'a pas été rasée c'est vrai mais ce que j'ai perdu et ce qui fait de moi la créature que je suis aujourd'hui n'avait pas de prix à mes yeux... C'était inestimable. Irremplaçable. , comme il disait cela la lueur du feu dansait sur le verre bouteille de ses yeux, taquinant leur éclat surnaturel, c'est un fantôme que je chéris autant qu'il me fait mal.

Tu as déjà ressenti quelque chose de semblable ?

Ma Naples n'a pas été rasée c'est vrai mais ce que j'ai perdu et ce qui fait de moi la créature que je suis aujourd'hui n'avait pas de prix à mes yeux... C'était inestimable. Irremplaçable.

La louve ne dit rien, pas plus qu'elle ne manifesta quelque chose. Il n'y avait rien à dire. Quand à exprimer quelque chose, quoi ? De la pitié ? Elle même aurait transformée en boule de bowling la tête du premier qui lui aurait lancer un regard apitoyé. Elle se sentait une nouvelle empathie pour l'homme assis en face d'elle, car ils semblaient avoir plus en commun que ce qui les auraient du séparer irrémédiablement.

c'est un fantôme que je chéris autant qu'il me fait mal.

Les yeux plongés dans les flammes qui crépitaient, Kheeva resta un long moment sans rien dire, ni même bouger. Ailleurs. Quand sa voix s'éleva presque timidement, et même à ses oreilles elle lui paraissait... fragile. Déformée.

Est-ce... est-ce qu'elle fini par disparaitre un jour ? Cette douleur ?

Est-ce... est-ce qu'elle fini par disparaitre un jour ? Cette douleur ?

Le vampire leva les yeux vers elle. Lui dire quoi? Oui après une petite centaine d'années tout passe? C'était faux. Menoch disait toujours que le temps emportait tout avec lui mais aux yeux d'Eros il n'enlevait rien. Tout restait éternellement pareil dans la substance et la douleur aussi. Il n''avait peut-être pas encore assez vécu ou pas encore vécu ce qu'il fallait. Il ne savait pas.

Son regard se perdit dans un loin imaginaire et un demi sourire étrange et triste à la fois. Non, il n'allait pas lui mentir. Il ne lui dirait rien, parce qu'il n'y avait rien à dire.