Ça faisait déjà trois semaines. En somme ce n’était pas grand-chose, trois semaines, dans une vie entière, mais son corps portait déjà les marques harassantes de Seth Campbell, comme si ce dernier avait voulu marquer sa propriété jusque dans sa chair elle-même. Sans doute l’avait-il désiré quand il avait enfoncé par trois fois ses dents à sang dans ses omoplates et sur son épaule droite, en feulant de lourd « à moi », et comme si ça n’était pas assez évident les marques de griffure sur son dos et ses reins attestaient la prétention du criminel. Il était à lui, entièrement à lui. Pourtant, ou tout du moins « malgré » cela, Zachkariel ne se plaignait pas. Depuis la mort de son grand-père plus que médiatisé, Seth ne lui avait rien cassé. Ni os, ni cœur, ce qui était en somme un grand pas vers quelque chose de plus fort que « je te frappe et ensuite on couche ensemble ». Parfois même l’inverse. Si on y réfléchissait bien d’ailleurs, la vie de Zachkariel s’était rôdée aux désirs de Seth sans même qu’on ait eu besoin de le lui demander. En un claquement de doigt, il n’avait plus traîné, avait repris son appartement, il avait cru bon de tout couper et de ne plus sortir que pour les cours et les entraînements de quidditch. Parfois il allait voir Mana, quand Seth était plus ou moins d’accord, c’est-à-dire avec la promesse de ne rien y perdre, voir même de tout y gagner le soir venu. Sous l’eau de la douche chaude, Zachkariel se détendait. Un peu en retrait, il était toujours le dernier à entrer dans les douches.
On souriait franchement de ce corps d’athlète, aussi marqué que dévoré par celle que l’on appelait déjà « la tigresse », la « copine » de Zachkariel. Ça n’avait été qu’un prétexte, mais un prétexte bien trouvé que l’amante éperdue et sauvage qui ne se lassait pas de lui marquer le corps. Si certaines personnes souriaient sans y croire, y voyant là quelques mensonges, Zachkariel souriait doucement, presque timide quand on lui demandait comment elle était, et si elle avait une sœur, et si ils la connaissaient, et si un jour il la leur présenterait. La supercherie bien trouvée l’amusait plus qu’elle ne le désolait. Il ne pouvait clairement par dire que Seth Campbell était son amant. D’une parce qu’il était un homme, et ensuite parce que c’était un criminel qui avait tué sa copine et son amant dans le campus lui-même. Un fou furieux disait-on. Rien qu’un homme blessé par les choses, selon Zachkariel.
Il avait trouvé, auprès de Seth Campbell, un équilibre malsain. Il aimait appartenir sans avoir à combattre pour – à l’inverse il aimait l’idée d’énerver Seth en lui glissant un mot sur Mercutio qu’il ne connaissait que trop bien puisqu’il était le meilleur ami de sa sœur. Il aimait lui rappeler ô combien les garçons de l’équipe de quidditch lui parlaient de sa fameuse « copine », et quelque part, c’était d’autant plus flatteur que Seth ne mettait pas longtemps avant de le pousser dans le lit, grognant, un peu furieux, qu’il n’appartenait qu’à lui et lui seul. Prendre des coups, soit, pourvu qu’ils soient accompagnés d’un brin de fantaisie.
Zachkariel bailla sous la flotte chaude et sortit du box, enroulant autour de ses hanches une serviette qui lui arrivait jusqu’aux cuisses. Il passa dans le vestiaire déjà vide pour débarquer dans la longue allée des casiers, avec le banc central. Un sac d’affaire était posé dessus, mais l’ancien serdaigle n’y fit pas attention et ouvrit son casier. Il tira son sac d’affaires et l’ouvrit sur le banc, en sortant un caleçon et des chaussettes. Un coup d’œil aux alentours, il enfila son caleçon et retira sa serviette juste après, étant sûr qu’il ne se retrouverait pas nu devant quelqu’un. Quelque part parce que ça avait quelque chose de gênant, et ensuite parce qu’il y avait un côté timide dans le caractère de Zachk’ qui le rendait atrocement discret et maladroit. Il mit ses chaussettes et commença à enfiler son jeans quand des pas résonnèrent. Il releva le nez, et ses yeux vert pâle croisèrent un regard vairon. Il eut un sourire.
« Salut Fedo’, t’es… t’es toujours pas rentré ? »
Il eut un faible sourire en rebouclant sa ceinture, le regard un peu fuyant. Ce qui était bien finalement avec les autres garçons, ceux qui n’étaient pas de ce « bord », c’était qu’ils ne pouvaient pas se douter une seule seconde que la morsure sur son épaule était celle d’un garçon, que les traces rouges imprimées sur ses hanches l’étaient aussi. Que tout son corps appelait à la luxure pour un garçon taillé comme Seth Campbell, et certainement pas pour une fille. Non. Ça, personne ne pouvait se l’imaginer, qu’un autre garçon qui lui aussi était intéressé par « ça » - et ça il le savait, car l’école toute entière parlait de Fedorus et d’Aleksander, parce que ça avait été une vieille rumeur de Poudlard, tout comme certains se doutaient que la « tigresse » de Zachk’ n’avait pas de seins… Encore que, les rumeurs disaient qu’il se laissait abuser par les autres membres de l’équipe de quidditch, surtout l’autre batteur. Chose ridicule. Zachkariel déglutit finalement. C’est donc avec cette appréhension incertaine et sans fondement que Zachk’ accueillit Fedorus, enfilant à la va vite son t-shirt à l’envers, les imprimés derrière, clairement nerveux.