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 Stormy Night. (pv)

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PROFIL & INFORMATIONS









The Changelin'

The Changelin'
PR. AZAEL VAN HELLSING
► Histoire de la Magie

► MESSAGES : 1431
Stormy Night. (pv) #Lun 8 Nov - 1:12


Le manoir des Van Hellsing était calme. C’était dehors, qu’il y avait du bruit. Un bruit grandiose. Géniale. Abaddon se préparait. Il avait prit un chapeau large, et un manteau épais. Ils avaient prévu de l’orage, et comme souvent avec toutes les nouvelles technologies, ils ne s’étaient pas trompés. Les nuages gris et sombres s’étaient accumulés sur Londres, chargés d’eau et de neige, qui entraient en contact pour mieux exploser. Le ciel se marbrait de quelques éclairs jaunâtres, parfois bleus, mais aucun son ne venait encore jusqu’ici. Parce que l’orage arrivait lentement. Il préparait son vacarme. Comme un roi dans les cieux, il se drapait de bruits et de couleurs, pour éclaircir la voûte obscurcie. Abaddon, lui, adorait le tonnerre. La foudre lui imposait le plus grand respect. Parce que la foudre, c’était la puissance, parce que c’était la flèche lumineuse dans le noir. Parce que le bruit ressemblait vaguement à la puissance des orchestres de Wagner. Parce qu’il revoyait cent fois le mouvement de Siefried grace à Fafnir. Parce qu’il aimait ça.

Ce soir ne dérogeait pas à la règle. Il regarda à travers la fenêtre, et au dessus de son épaule, Salomon montait les marches pour disparaître dans sa chambre, fatigué. Il ne restait plus que Mélisande, qui avait visiblement déserté le salon. L’alchimiste détourne finalement le regard et ferma la porte derrière lui. Au même moment, le premier éclair retentit dans toute la maison, faisant vibrer les vitres.

Ce soir, sur terre, c’était l’enfer.

Mélisande aussi avait vu venir l’orage. En quittant la table ce soir-là, elle avait servi son thé à Abaddon et embrasser Salomon sur le front prétextant qu’elle était fatiguée. Elle s’était bien sûr excusée auprès de l’alchimiste car d’ordinaire elle lui faisait la conversation jusque tard dans la nuit. La vérité n’était en fait pas qu’elle était fatiguée mais l’orage éveillait en elle une peur panique dont elle avait honte. Elle aurait rougi de devoir avouer qu’elle avait encore des peurs d’enfant, c’était ridicule. Enfin, ce n’était pas vraiment elle qui trouvait cela ridicule, elle n’y pouvait rien dans le fond, mais elle craignait qu’on lui dise qu’à son âge, on avait plus peur de l’orage. Alors elle s’était couchée de bonne heure, espérant trouver le sommeil avant que l’orage n’éclate, et surtout espérant que son sommeil serait assez profond et que sa hantise ne lui interdirait pas une nuit tranquille. Mais c’était trop espérer. Elle ne s’endormit pas trop préoccupée par l’idée que la nuit serait agitée. Au premier éclair qui zébra le ciel, derrière les rideaux et les volets bien fermés, la pauvre Mélisande se sentit rapetisser dans son lit, le drap tiré jusqu’au dessus de son nez. Elle ferma les yeux plus fort, escomptant qu’en échappant à la lumière, elle échapperait aux visions du passé qui se faisaient un plaisir de venir la hanter chaque nuit d’orage. Cela fonctionna un petit quart d’heure, le temps que l’orage, gonflé d’électricité n’éclate pour de bon, cognant aux fenêtres comme un forcené. Mélisande s’assit dans son lit, regroupant ses genoux contre elle. Elle ne pouvait pas être plus minuscule qu’à ce moment là. Les yeux grands ouverts, ses longs cheveux épars autour d’elle, elle regardait la fenêtre et dans chaque caprice lumineux, bleu, jaune, électrique, elle voyait la silhouette d’un fou qui brandissait tout et n’importe quoi au dessus de sa tête. Un fou qui n’avait pas de visage mais qui autre fois avait eu un nom. Un nom qu’elle n’avait plus prononcé depuis cette première nuit où elle avait tout raconté à Abaddon. L’orage était violent. Il personnifiait si bien son tortionnaire à l’époque. Violent et incontrôlable. Elle n’avait jamais eu aucun moyen de l’attendrir. Tout comme elle n’avait aucun moyen d’échapper à la folie de l’orage. Dans son dos les dessins de la tête du lit se refaisaient sur sa peau, presque à lui faire mal. Dans un éclat plus violent que les autres, la pauvre Mélisande laissa échapper un cri et alla se réfugier dans un coin de la chambre, à l’extrême opposé de la fenêtre.

Pendant le temps de l’enfer, Abaddon, lui, était dehors. Il flirtait avec les éclairs, s’en amusait. Il n’avait plus peur des brûlures et de la mort depuis des années déjà. L’idée même de ne jamais mourir lui avait traversé l’idée, quand il avait remarqué que son visage n’avait plus changer depuis qu’il avait vingt trois ans. Aujourd’hui il en avait vingt-neuf, il avait un petit garçon et un homonculus. Une vie de famille presque normale. Alors il ne fallait pas s’étonner de le voir dehors, à mains nues, les bras tendus vers le ciel, prêt à capturer l’éclair au moment exacte où il quitterait le nuage gonflé d’énergie. La fossilisation de la foudre était particulièrement rapide, à cela prêt qu’il fallait résister aux chaleurs infernales que pouvait dégager un éclair. Abaddon en avait l’habitude.Il aimait ce sentiment. Ce bruit. L’éclair qui se déchaîne, et tout le reste. Le vent qui souffle, violent, comme un dieu furieux contre l’homme. Le chapeau s’envola dans une bourrasque trop puissante. Abaddon eut un petit rire, alors qu’un énième vacarme éclatait dans les plaines. Encore! Encore! Et ça tappait, comme des coups de marteaux sur les cordes sensibles d’un piano mal accordé. Des bruits graves, qui éclatent. Une apocalypse ridiculement petite. Un dernier éclair frappa le sol et se cristallisa en l’air. Abaddon releva le nez, soudainement amusé, et tourna le dos. L’orage taperait encore jusqu’à demain, mais il avait déjà une bonne dizaine d’éclairs, et il ne lui en faudrait pas davantage. C’est en les tenant sous les bras qu’il rentra chez lui, par la porte, et s’enfonça aussitôt dans la cave, qui était à la fois un mausolée, un sanctuaire et... une cave. Il posa sur le sol les éclairs de cristal bleu et jaune, et par un curieux procédé attrapa une fiole. De l’autre main il attrapa un éclair, et ce dernier mit se remit à bouillir dans les mains de l’alchimiste. Des grands crac sonores tapaient les murs de la cave, faisait vrombrir le coeur du Manoir, bruyamment. La fiole captura finalement quelque chose, infime, puisque Abaddon la referma d’un petit bouchon de caoutchouc. A l’intérieur de la fiole, aussi longue qu’une phalange du directeur de serpentard, un éclair bleu frappait les parois et les chauffer, mais aucun bruit n’en sortait. Il avait capturé l’essence même de l’éclair. Sa substance. Ce qui en faisait une force de la nature. Et il recommença le même procédé, pour chacun des éclairs qu’il avait ramené.

A cause du bruit, Salomon se releva, arqua un sourcil, regarda autour de lui. A travers les vitres, on voyait les éclairs marbraient le ciel. Encore. Mais le bruit venait d’en bas. C’était la maison qui vibrait, comme si quelqu’un martelait les murs de l’intérieur. Il en déduit que c’était une des lubies de son père, et retomba de sommeil dans son grand lit. Mais si Salomon avait plus que l’habitude des passes-temps de son père, ce n’était pas le cas de Mélisande qui, loin de se douter de quoique ce soit croyait devenir folle à sentir l’orage venir de toute part. Au début elle pensait encore pouvoir se raisonner. L’orage ne pouvait pas venir d’en dessous. Il ne pouvait pas l’atteindre par le sol c’était irrationnel. Pas au premier étage en tout cas. Mais la peur non plus n’avait rien de rationnel et bientôt elle ne parvenait même plus à se demander si c’était son imagination qui lui jouait des tours ou simplement l’orage qui devenait vicieux. Elle avait si peur que les idées se fossilisaient dans son cerveau. Son coeur s’était mis à battre si fort qu’elle en avait mal et les sceaux gravés sur sa peau s’étaient mis à émettre une très faible lueur. Ils s’échauffaient surtout sous le trop plein d’émotion. Sans bien se contrôler, elle parvint à s’échapper de sa chambre, poursuivie par l’ombre d’un Hohenheim faucheur des enfers dans le rôle duquel le porte manteau excellait. Elle avait l’impression qu’elle était poursuivie par ce satané orage où qu’elle aille. Aussi se retrouva-t-elle dans la salle de bain, recroquevillée sur le carrelage, juste sous le lavabo, tremblante comme une feuille.

Abaddon, lui, n’avait aucune idée du manège qui se tramait au dessus de sa tête. Que ce soit ce petit garçon qui, agacé par le bruit, cherche l’étreinte de Morphée, ou de cette petite fille devenue grande, qui connaît la géhenne à l’écoute des éclairs frappants. De tout ça, il n’en savait rien. Il ne s’y était pas non plus vraiment intéressé. Il était dans un monde qui n’appartenait qu’à lui, dans lequel il avait grandi, dans lequel il s’était lui-même forgé. Qui aurait pu lui dire de cesser? Personne. Alors c’est plus tard dans la nuit qu’il ressortit de la cave, quand la grande horloge sonnait les onze coups. Il poussa la porte de la cave et la referma derrière lui. Il avait les mains noires, noire de souffre et de charbon. Il monta les escaliers, se délestant au passage d’une cape gênante et de son manteau qui lui tenait trop chaud, pour se retrouvait dans son habit le plus simple de tous les jours : un pantalon noir et une chemise blanche bien ajustée à sa taille. Il avait une certaine classe, une certaine prestance naturelle. Il n’en faisait pas vraiment exprès : il avait été élevé comme ça. Arrivé au premier étage, il poussa la porte et alluma la lumière, et son regard se posa aussitôt sur le lavabo, et également sur le corps en dessous. Il arqua un sourcil, et si son visage changea à peine d’expression, à l’intérieur, c’était quelque chose qui ressemblait à la panique. Il ouvrit la bouche, mais rien ne sortit. Enfin, si, quelque chose qui ressemblait à :

“ Mais que...? ”

Au moment où elle avait vu Abaddon entrer dans la salle de bain, un peu après que l’orage diabolique eût l’air de s’être calmé, un affreux sentiment de honte s’était emparé d’elle. Comment allait-elle justifier ce comportement grotesque?

“ Je vous en prie ne vous fâchez pas...”

“ Me fâcher? Mais enfin, vous êtes au sol... ” Il s’approcha d’elle, lui tendant les mains. “ Relevez vous avant d’attraper froid. Ce n’est pas bien prudent. ”

Elle aurait voulu retrouver un brin de dignité mais ses mains serrèrent celles qu’on lui tendait presque sans qu’elle put rien y faire, dans un réel mouvement de panique.

“ Je... l’orage était particulièrement violent alors je...” “ Vous avez peur. ” Coupa t-il. “ De l’orage... ”

Elle le fixait de ses clairs yeux d’eau, esquissant un timide oui de la tête pour finalement se relever, les mains encore tremblantes, elle s'accrochait aux siennes comme si sa vie en avait dépendu. Ce n'est qu'après un court instant qu'elle s'en rendit compte et le lâcha aussi tôt.

“ Pardon je ne voulais pas... c'est affreusement gênant. Gênant et ridicule à mon âge.” , finit-elle par reconnaître en baissant le regard.









Abaddon M. Van Hellsing

Abaddon M. Van Hellsing
PROFESSEUR de sortilège.
► Dr de Serd. & Adjointe


► MESSAGES : 181
Stormy Night. (pv) #Lun 8 Nov - 22:52




“ Ce n’est rien. Ceux sont des choses qui arrivent. ” Il eut un sourire amusé par la situation. Il se rappelait de la peur de Samaël devant un simple crapaud noir à tâches rouges. “ Il n’y a pas de quoi avoir honte. Tout le monde a peur de quelque chose. ”

Abaddon était rassurant, et comme il avait un enfant à la maison, un second ne lui était pas vraiment difficile à gérer. Aussi, voir la si petite Mélisande trembler devant quelques éclairs ne pouvait que le faire sourire gentiment. Ses yeux verts émeraude étaient toujours sur elle, la protégeant de quelque chose d’imaginaire, une présence ancienne, non, antique même. Les démons du passé sont les plus durs à dompter ; l’alchimiste le savait mieux que quiconque.

“ Vous devriez aller vous recoucher avant d’attraper froid. Si vous le voulez, je peux jeter un sort d’insonorisation à votre chambre. ”

Elle eut un pauvre sourire:

“ Si vous vouliez lancer un sortilège il faudrait que vous en trouviez un qui me protège du vacarme, de la lumière et de la vibration de l’orage. Mais... si vous vouliez juste tenir la porte de ma chambre fermée à clé, vous m’épargneriez la honte de me retrouver à errer dans la maison et de me mettre dans ce genre de situation embarrassante...”

Elle était sincère mais n’exigeait bien sûr rien, consciente que c’était à elle de se tenir. Pourtant elle savait qu’elle ne pourrait pas de si tôt.

“ S’il vous plait...”, ajouta-t-elle anticipant qu’à ce siècle, enfermer une jeune femme dans sa chambre allait sembler une bien curieuse idée.
“ Je ne comprends pas vraiment. ” soupira t-il, un instant déconcerté et perdu. “ Votre frère réussissait à vous tenir en vous enfermant de cette façon? ”

Il y avait quelque chose de réprobateur dans sa voix, mais l’alchimiste ne pouvait pas faire autrement que de condamner ces méthodes. Parce qu’il était un homme fier et libre, et qu’il avait inculquait à son propre fils qu’une frontière n’est qu’une ligne imaginaire, qu’un mur n’est que quelques pierres, qu’une porte n’est que du bois lissé. On n’a pas le droit d’enfermer un homme. On n’a pas le droit de le priver de ce qui fait de lui un homme : la liberté.
Mais pour Mélisande, l’analyse était différente. Simplement pragmatique et non philosophique. Ses joues s’empourprèrent légèrement comme chaque fois que l’idée qu’elle se faisait de ce qui était moral et de ce qui ne l’était pas, était malmenée.

“ Il ... non. Pas vraiment. Je n’étais qu’une petite fille il ne lui était pas difficile de me maîtriser. Je crois qu’il se contentait de me faire allonger sur lui dans son cercueil, ce qui n’a rien de bien moral non plus je le reconnais mais...”
“ Plus moral que l’enfermement, à mes yeux. ”

Obéissante, elle n’en rajouta guère plus, comprenant qu’il était hors de question pour lui de fermer la porte de sa chambre à clé. Cela aurait été si simple pourtant. Elle acquiesça sans un mot, reculant de quelques pas encore:

“ Bien alors... bonne nuit Abaddon.”, conclut-elle en se retirant.

Il ne lui était que plus difficile d’imaginer un schéma différent de celui qui venait de se produire - à savoir elle traversant la maison complètement incapable de se contrôler - et en poussant la porte de sa chambre, les carreaux qui vibraient toujours de l’orage, ne l’invitaient en rien à ne pas chercher un moyen de s’enfermer contre l’avis d’Abaddon. Mais elle n’en fit rien, trop sage sans doute, elle se glissa dans son lit, serrant les dents pour ne pas s’enfuir tout de suite. Bientôt, elle n’occupait même plus le quart de son lit, recroquevillée derrière un immense oreiller qu’elle serrait dans ses bras.
C’est une fois dans son lit que l’alchimiste eut un éclair de génie. Enfin... non. Une idée. Il resta un instant immobile, le regard fixe sur la fenêtre qui montrait le ciel grisâtre s’éclairant à intervalle régulier. Il se releva, attrapa sa chemise qu’il enfila d’un geste simple et sortit de sa chambre. Il se dirigea lentement vers la chambre de Mélisande. Abaddon avait le visage toujours très indifférent, mais le léger froncement de ses sourcils montrait bien qu’il réfléchissait tout pendant qu’il marchait. Finalement il s’arrêta et toqua à la porte, et attendit poliment, comme il était bien élevé. C’est précisément ce moment que choisit un fantastique coup de tonnerre pour éclater, juste comme une Mélisande toute penaude ouvrait la porte.

“Oui?” demanda-t-elle d’une voix blanche, espérant qu’il avait changé d’avis et qu’il venait juste pour dire qu’il allait fermer la porte à clé. Ce qui n’était pas exactement son idée. Il ouvrit la porte, passant la tête par l’encadrement de la porte, le regard clair cherchant le petit être dans l’ombre.
“ J’ai bien réfléchi et... ” Il toussa, un brin gêné tout de même. Il n’avait jamais partagé d’autre lit que celui de sa femme, alors même si c’était pour aider, il y avait quelque chose dedans qui le mettait mal à l’aise, sans qu’il n’en ait l’air. “ Je pense qu’une présence vous ferait le plus grand bien et vous rassurerez, alors, si je puis vous être utile et vous aider à ne plus avoir peur... Pour... mh... vous tenir compagnie. Ce n’est pas bon de vous laisser avoir peur comme ça. ”

Il était sincère, vraiment mais sur le coup, la petite créature terrorisée qui lui servait d’homonculus se demanda si elle ne prenait pas ses rêves pour une réalité. Quoique ce ne fut pas l’expression exacte. La seule perspective de paraître en robe de chambre devant quelqu’un (c’était même peut-être pire si c’était devant lui) la mettait mal à l’aise, alors dans son petit univers plein de moral et de principe, elle aurait encore moins imaginé demander à un homme marié, son créateur en quelque sorte, d’entrer dans son lit, fut-ce en tout bien tout honneur. Par chance c’était le cas et un autre coup de tonnerre acheva de lui faire accepter l’idée, quoiqu’elle n’eut pas été exactement formulée. Aussi, elle demanda:

“ Vous êtes sûr?...”
“ Je n’y vois aucune objection. ” souffla t-il.

Elle jouait des doigts sur le tissus de sa chemise de nuit, un peu nerveuse. Sans doute que si elle avait été issue d’un milieu aisé, laisser entre un homme dans sa chambre lui aurait été carrément impossible, mais en ayant grandi chez la mère Ténard, les enfants entassés les uns sur les autres, elle pouvait l’accepter, bien que le fait qu’elle plaçait évidemment Abaddon au dessus d’elle ne rendait pas non plus la chose simple. Elle s’écarta pour le laisser passer et, rentrant par moment la tête dans les épaules, discrètement, elle essaya de refaire le lit malgré ses mains tremblantes. Il n’y avait pas de chaise dans sa chambre. Elle n’en avait jamais eu besoin, mais s’il y en avait eu une elle y aurait sans doute élu domicile pour la nuit. Au lieu de ça, elle prit sur elle est se glissa de son côté du lit, tout au bord, le plus au bord possible même, et quand la lumière fut éteinte, elle n’osa même plus respirer. Tirant un peu plus la couverture sur son visage à chaque caprice du ciel, son coeur battait à tout rompre dans sa poitrine et si la présence d’Abaddon la dissuadait de chercher à fuir son propre lit, parce qu’elle avait quelque chose de rassurant, Mélisande ne parvenait pas à se calmer vraiment.

“ Merci...”, finit-elle par murmurer d’une petite voix dans le noir, mais elle restait tétanisée de son côté du lit.
“ Ce n’est vraiment rien. ”

La voix d’Abaddon était chaude de sincérite. Si il avait été habitué à ce genre de chose, sans doute aurait-il sourit, mais les sourires n’avaient jamais été dans son éducation. Son enfance avait été l’alchimie, et seulement l’alchimie. Avec le temps, il avait appris qu’on ne pouvait pas sourire et appendre. S’amuser? C’était perdre son temps selon son oncle, et il avait bien compris que quoi qu’il fasse, il n’échapperait jamais vraiment à cette famille. Plus que ça : à son nom. Les Van Hellsing ne rigolaient pas. La branche aînée comme la branche cadette. Ils étaient fossilisés dans un code de conduite prédéfini. C’était ridicule. Salomon avait été élevé différemment. Abaddon lui avait donné toutes les choses qu’il n’avait pas eut. La présence d’un père tout d’abord, et si le petit garçon avait sept ans, ça ne faisait pas si longtemps qu’ils avaient dormi tous les deux. Mélisande était une enfant aux yeux de Abaddon. Une enfant qui se serait réveillée grande, dans un corps qui n’était pas vraiment le sien. Un corps de femme. Façonner selon lui, selon ses mains, selon ses désirs. Quel homme se donne le droit de donner à un être vivant toutes les choses dont il a envie? Abaddon l’avait fait, et il n’en avait pas honte, et si l’idée d’une certaine appartenance ne lui avait pas traversé l’esprit, elle y était comme une emprunte un peu effacée. Effacée, oui, mais présente.
Il toussota, et se rapprocha d’elle. Il était très noble, très dandy. Un rien gentleman qui ne le rendait pas vulgaire quand à un autre homme on aurait donner d’autres idées, bien moins catholiques. C’est ce visage un peu indifférent, un peu lointain, et ce sens moral, qui rendait Abaddon hors de tous les soupçons. Il tendit sa main au dessus de son épaule, mais son geste resta en suspens. Il ferma les yeux, et resta ainsi, immobile, ses doigts frôlant la peau claire de son épaule. Tout doucement, les yeux clairs de Mélisande reparurent de derrière le drap pour se poser sur les prunelles émeraude d’Abaddon qui avait la délicatesse de ne jamais rien imposer. Un énième coup d’éclat du ciel poussa la jeune femme à venir se blottir contre son protecteur, et si elle n’était pas à l’aise, au moins la chaleur de ses propres joues la divertissait un rien de l’orage. Évidemment, si chez n’importe qui dans le noir on aurait rien remarqué, chez Mélisande, le moindre sentiment touchait en plein coeur. Là c’était sa pudeur touchante qui se laisser deviner. Il fallait dire qu’elle n’avait pas connu d’autres bras que ceux de son frère, pas même ceux d’une mère ou d’un père, alors ceux d’un homme...
Abaddon entoura la jeune fille d’un bras, comme pour la protéger des éclairs, ou d’une menace plus grande encore, et ferma les yeux. Ses prunelles vertes s’éteignirent entre ses paupières, alors qu’un fin sourire vint fendre son visage. Il pouvait rester dans cette position toute la nuit sans bouger. Abaddon, une statue sous cette peau blanche et pâle. Une peau de Roumain. Il ne lui manquait sans doute que les yeux bleus pour en faire un prince de là bas, un prince ancien, dont les livres ne parlent jamais.
Son visage resta ainsi fermé, son corps cessa tout mouvement. Pour Mélisande il n’était pas non plus question de dormir. Elle était fatiguée mais elle savait qu’il était peine perdue de fermer les yeux, même si ça ne l’empêchait pas de fermer les yeux. Pour ne pas voir mais pas seulement... Elle se serrait plus fort contre lui, puis après un long moment de silence, rompu par le torrent d’éclairs qui se déchaînait à l’extérieur:

“ Abaddon?... vous disiez que tout le monde à peur de quelque chose. De quoi avez vous peur vous? ”

Il ouvrit les yeux, et ses pupilles, semblables à celles de serpent, et son regard se troubla un instant. Il cherchait. Quelque chose. De quoi avait-il peur? Il n’en savait rien. Il n’avait jamais eut à se poser la question. Il ouvrit la bouche, mais aucun son n’en sortit. Puis finalement un sourire ourla sa bouche, et il eut cet air doux, cette image triste sans l’être.

“ La chose que je redoute le plus? ... sans doute... perdre Salomon. ”

Il avait un sourire amusé. C’était irréaliste. Il ne pourrait pas le perdre. Jamais. Il l’avait étouffé, il l’avait gardé, il l’avait emprisonné, pour que jamais quelqu’un ne l’approche, ne le touche. Son fils était le sien, et s’il était gâté, s’il avait tout ce qu’il voulait, c’était parce qu’il le méritait amplement. Son existence était la raison de la vie d’Abaddon. De sa force. De son investissement aussi. Salomon serait plus que son fils. Il serait son étendard. Il se sacrifierait pour lui. Seulement pour lui.
Mélisande sourit pour elle même. Elle aimait l’idée qu’un père n’aime rien au dessus de son enfant. C’était une idée qui aurait été moquée à son époque mais qui rencontrait parfaitement bien ce à quoi elle avait pu rêver en réinventant son père pour se rassurer. Petite, quand elle prenait trop de coups, elle se recroquevillait dans un coin en imaginant que le cuisant de sa peau c’était la chaleur des bras protecteurs de son père, dont elle n’avait presque rien connu. Alors...

“ Je ne crois pas connaître de peur plus noble. C’est la peur d’un bon père...”
“ Sans doute... ” Il eut un petit sourire. “ Plus jeune, j’avais peur des serpents. On change tous un jour ou l’autre. La peur d’un orage, ça passera. Avec le temps. ”

Et comme il disait cette phrase en souriant, il passa sa main dans ses cheveux, un poil amusé. Il avait eut tellement peur des serpents et avait fini par avoir pour patronus un basilic. Et sur son dos, un ouroboros tournait sans cesse. Quelle drôle de chose, n’est-ce pas?

“ Je l’espère pour vous...”

Elle se tenait plus doucement, moins crispée qu’avant, à un petit bout de tissus qui aurait pu être le drap ou bien la chemise d’Abaddon. Dehors l’orage se calmait et de fait elle aussi. Elle finit par s’endormir, sur le petit matin, vaincue par la fatigue. Et il resta là. Il attendit. Le bras autour d’elle. Sans bouger. Sans ciller.

Au petit matin, Salomon se leva comme à l’accoutumé. Il descendit les escaliers, se prépara son petit-déjeuner et n’alla ni réveiller son père, ni Mélisande. Autonome, il débarassa sa table, alla se douchait, et finalement s’installa dans le petit salon pour lire.

Le manoir était calme. L’Orage était passé.
Et avec lui, tous les petits cauchemars des trois habitants du manoir.

 

Stormy Night. (pv)

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